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Rachmaninov et Elgar : grand bain romantique au Nouveau Siècle de Lille

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Intitulée Grand romantisme, la soirée rapprochait deux œuvres de la toute fin du XIXe siècle, qui assurèrent la re(con)naissance de leur auteur : les Variations Enigma d’Edward Elgar lui acquirent la gloire, le second Concerto de Rachmaninov le sauva de la dépression. Pour s’en tenir à un complet programme de variations, on aurait pu songer à celles sur un caprice de Paganini, du même compositeur, ou dans le répertoire du dernier quart de siècle convier par exemple les Variations symphoniques de Franck, les « Variations Haydn » de Brahms, les Symfonické variace z písně de Dvořák, tout cela certes moins ardent. Le mince format d’une heure dix ne le permettait guère, mais avait en tout cas fait salle comble au Nouveau Siècle.

Sir Adrian, un grand maestro anglais, d’ailleurs spécialiste d’Elgar, estimait que Rachmaninov « pourrait se désigner comme le dernier romantique, car son œuvre était européenne plutôt que russe [...] son style était celui de Tchaïkovski plutôt que Moussorgski » (Boult on Music, Toccata, Londres 1983). On retrouvait en effet dans la direction de Lionel Bringuier une lisibilité, une clarté de ton qui accréditerait ce jugement. Après le glas du clavier, on constatait combien les cordes lilloises façonnaient avec pureté le premier thème, sans épanchement douteux ni dérive passionnelle. Le lyrisme du second thème se présentait chaste, aristocratique, dans une veine « russe blanc ». Une lecture sans grandiloquence et sans histoire de ce Maestoso, quitte à ce que le ton épique fît parfois défaut sous une baguette efficace mais non extravertie. Ce concerto enrôlait Lukáš Vondráček (Premier Prix du Concours Reine Elisabeth en 2016) qui lui prodigua son zèle mais pas toute la puissance requise pour rivaliser avec un fourreau d’une cinquantaine de cordes. L’osmose attendue des moments de douceur était-elle vraiment au rendez-vous de l’Adagio sostenuto ? Lequel profita toutefois d’une cantilène lumineuse, soignée par des bois saillants (clarinette notamment). S’y inscrivait un soliste capiteux malgré une certaine dureté qui correspondait mieux aux parades lisztiennes du volet più animato. En revanche, le staccato du pianiste tchèque n’apparaissait pas des mieux galbés et sonores au début de l’Allegro scherzando, qui nécessite une redoutable alliance de vigueur et de fluidité. Les vaporeuses sinuosités du second thème (altos et hautbois) tendirent à s’enliser plutôt qu’à s’exhaler, sans que le piano parvînt à le vivifier dans ses reprises. Ce que le Finale arbore de fier et péremptoire se montra sous un jour autoritaire (une percussion au cordeau), vers une coda non avare de panache à l’emporte-pièce (rien n’objecte à ce coup de sang slave). L’enthousiasme du public rappela l’invité qui gratifia le public d’une rêverie chopinienne dans l’âme.

Le Belgian National Orchestra sous la baguette de Lionel Bringuier : peuvent mieux faire

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Les débuts à la tête de l’Orchestre National de Lionel Bringuier étaient attendus avec beaucoup d’intérêt, tant la réputation de ce jeune chef français -qui occupa la prestigieuse position de chef de l’Orchestre de la Tonhalle de Zürich pendant quatre saisons et avec lequel il enregistra pour DG une intégrale Ravel généralement bien reçue (DG)- jouit d’une flatteuse réputation.

C’est justement par la rare Ouverture de Shéhérazade de Ravel que s’ouvrit ce concert qui vit tous les exécutants (chef et soliste compris, sauf les vents) garder le masque du début à la fin, les musiciens de l’orchestre respectant une distance moindre qu’à une certaine époque, mais néanmoins bien réelle avec chaque musicien des cordes disposant de son propre pupitre et les vents séparés de bien un mètre cinquante.

Utilisant une baguette assez longue, Bringuier connaît manifestement parfaitement ses partitions et conduit avec clarté, souplesse et une précision gestuelle aussi utile à l’orchestre qu’à la salle. 

La sélection des concerts de novembre 2021

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On commence ce parcours avec le dernier concert du festival Voce & Organo qui se déroulera à l'église Saint-Jacques de Liège, le 20 novembre 2021. Au programme Michael Praetorius et Jan Pieterszoon Sweelinck par l’Ensemble Polyharmonique sous la direction de Alexander Schneider avec, en soliste, l’organiste Arnaud van de Cauter. 

A Bruxelles, La Monnaie propose la reprise de la production iconique de Lulu d’Alban Berg avec dans la rôle-titre Barbara Hannigan sous la direction d’Alain Altinoglu. Le directeur musical de la maison lyrique bruxelloise sera également au pupitre de son orchestre pour un concert symphonique avec le Concerto à la mémoire d’un ange d’Alban Berg (soliste Renaud Capuçon) et la Symphonie n°1 de Gustav Mahler (28 novembre à Bozar). 

Le Belgian National Orchestra proposera deux belles affiches : le pianiste Jean-Yves Thibaudet et le chef d’orchestre Lionel Bringuier (5 et 6 novembre à Bozar) et un concert Mozart avec la Grande messe en ut placée sous la direction de Riccardo Minasi avec le Choeur de Chambre de Namur et une belle distribution avec, en tête d’affiche, la soprano Jodie Devos (13 novembre à Namur et 14 novembre à Bozar).   

Novembre, c’est également le mois du festival Ars Musica qui prend ses quartiers à Bruxelles. On note deux beaux événements : Une dyptique “Voix Humaine” avec des oeuvres de Lukas Ligeti et Françis Poulenc avec la soprano Clara Inglese au Théâtre des Martyr (15 septembre) et "Madrigali", liens entre le passé et le présent avec des œuvres de Gualtiero Dazzi et Claudio Monteverdi par l’Ensemble Variances de Thierry Pécou (16 novembre aux Halles de Schaerbeek).  

Les frères Bringuier à l’Opéra de Nice

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La famille Bringuier est originaire de Nice. Les parents ne sont pas musiciens, mais leurs enfants jouent tous d'un instrument. Lionel est le plus jeune de la fratrie et sa carrière est phénoménale. Il est né en 1986 et débute ses études de musique au Conservatoire de Nice à l'âge de 5 ans. Il y remporte cinq premiers prix (violoncelle, piano, musique de chambre, culture musicale, formation musicale) puis il est reçu à l'âge de 13 ans au Conservatoire de Paris : il est le plus jeune Français à suivre la formation supérieure de chef d'orchestre. A 14 ans, il dirige l'Orchestre National des Pays de la Loire lors des "Victoires de la musique" diffusées en direct sur France 3. Il remporte à 19 ans le 1er Prix et le Prix du Public au Concours international de jeunes chefs d'orchestre de Besançon qui lui ouvre les portes d'une carrière internationale. 

A  Genève, le concert d’automne des amis de l’OSR   

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Au cours de chaque saison, le Cercle des Amis de l’Orchestre de la Suisse Romande présente deux ou trois concerts exceptionnels, dont un Concert d’automne qui lui permet de solliciter le concours d’artistes de renom grâce au soutien de généreux donateurs. C’est pourquoi, le 5 décembre, ont été invités le jeune chef français Lionel Bringuier  et le violoncelliste norvégien Truls Mørk dont la réputation n’est plus à faire.

Le programme débute par Rugby, le deuxième des mouvements symphoniques qu’Arthur Honegger composa en 1928 et qui fut créé le 19 octobre de la même année par Ernest Ansermet et l’Orchestre Symphonique de Paris. Avec une énergie roborative, les cuivres donnent le signal de la mêlée en superposant les attaques et les ripostes de jeu ; le violoncelle tente d’élaborer un contre-sujet, alors que la phalange des autres cordes peine à imposer un discours qui finira par trouver une assise grâce à la clarté de la polyphonie. 

Ouvertures des saisons symphoniques à Monte-Carlo et Nice 

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Dimanche dernier à Monte-Carlo, l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, son directeur musical et artistique Kazuki Yamada et la merveilleuse contralto Marie-Nicole Lemieux -1er Prix du Concours Reine Elisabeth en 2000- ont inauguré leur saison. Marie-Nicole Lemieux est l'artiste en résidence cette année : elle donnera encore deux concerts dans des répertoires très différents. Pour son premier concert, elle a interprété les Sea Pictures d'Edward Elgar avec maestria. Kazuki Yamada avait programmé en ouverture Juventus, une oeuvre de Victor de Sabata, le chef permanent de l’Orchestre de l’Opéra de Monte-Carlo de 1918 à 1930. L’œuvre rappelle les opéras italiens de la même époque. La Symphonie n°3 avec orgue de Saint-Saëns semble être inspirée des poèmes symphoniques de Liszt à qui elle est dédiée. L’effectif orchestral est très important, toutes les parties de l'orchestre sont représentées. Kazuki Yamada excelle dans ce répertoire et il fait briller l'orchestre de tous les feux des pupitres. Une belle introduction de saison alors que l’orchestre part en tournée pour deux semaines à Oman.

Ce jeudi, c’est au tour des voisins de l’Orchestre Philharmonique de Nice d’entamer leur saison de concerts. Le Théâtre de l'Opéra de Nice (1000 places) est comble du Parterre au Paradis. Deux « enfants du pays », la pianiste Hélène Grimaud, née à Aix-en-Provence et le chef Lionel Bringuier, né à Nice, se retrouvent devant un public qui les vénère.