The Artist à Lille

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Michel Hazanavicius, writer/director of "The Artist," poses at a screening of the film in Beverly Hills, Calif., Monday, Nov. 21, 2011. The silent, black-and-white film is set in Hollywood between 1927 and 1932. (AP Photo/Chris Pizzello)

C’est devant une salle comble que l’Orchestre National de Lille concluait sa série « Ciné-concert » vendredi soir avec la comédie dramatique en noir et blanc de Michel Hazanavicius, The Artist. Le muet, c’est l’occasion d’éveiller ses sens d’une autre façon, de découvrir un flux d’images d’une manière inhabituelle à notre époque, mais c’est aussi et surtout l’occasion de saisir l’importance d’une musique dans le 7ème art.
Comme le souligne avec justesse le réalisateur, le cinéma muet n’est pas du « cinéma parlant dont on enlève le son, mais un mode d’expression à part entière ». Tout sort alors de l’imagination du spectateur qui créé en quelques minutes son propre réservoir de sons et de bruits. La musique joue dès lors un rôle essentiel. Ici, c’est le compositeur Ludovic Bource, un ami de longue date du réalisateur, qui signe la bande originale. Une musique très proche de ce que l’on attend d’un film-type de l’âge d’or hollywoodien, apportant malgré tout une touche résolument moderne, notamment par l’effectif orchestral imposant, l’usage à bon escient du silence mais aussi par les nombreuses mises en abîmes, que ce soit du point de vue visuel ou musical (extrait de la musique de Vertigo, musique de Ginastera, jazz de Duke Ellington et Rose Murphy…).
Le ciné-concert est un moment unique pour le public puisqu’il permet de découvrir en direct la richesse et la place dans un film du matériau musical. C’est aussi l’occasion d’ouvrir les portes à un public qui n’ose peut-être pas les franchir pour un programme symphonique classique, et cela toujours dans l’optique du projet du chef fondateur de l’ONL, Jean-Claude Casadesus : «  Porter la musique partout où elle peut-être reçue ». Pour l’occasion, l’ONL a réuni un casting de choix : Ernst van Tiel qui a réalisé l’enregistrement de la bande originale avec le Brussels Philharmonic et Ludovic Bource, le compositeur, au piano et au célesta. C’était donc un concert de premier choix, exécuté sans failles apparentes par l’ensemble. Sous la direction énergique d’Ernst van Tiel et la bienveillance du compositeur, chacun des pupitres a offert ce soir un très beau travail d’orchestre tant sur le son que de l’énergie. Chaque séquence bénéficiait d’un regard affuté, respectant la trame narrative tout en apportant au genre une touche résolument personnelle. Un travail en somme efficace, soigné, dans le respect de l’image et toujours à l’affût de contrastes et dynamiques. La musique de Ludovic Bource regorge d’idées, de motifs, c’est un réservoir inépuisable. A aucun moment elle ne donne l’impression d’une redite ou d’un accès de facilité. Au contraire, elle donne au film une forme de légèreté dans les séquences plus envolées, amusées, ou au contraire une forme dramatique lors d’événements plus douloureux. De très beaux plans sonores, une mise en place parfaite et une ambiance au rendez-vous avec un public qui a joué le jeu de s’intégrer dans le film.
Ayrton Desimpelaere
Lille, Nouveau-Siècle le 22 avril 2016

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