Tombée du ciel !

par

0126_JOKERGeorges- HAENDEL (1685-1759)
Haendel en Italie
Julia LEZHNEVA, soprano, IL GIARDINO ARMONICO, dir.: Giovanni ANTONINI
2015-69'50-DDD-présentation en anglais, français, allemand-textes en italien-DECCA 478-6766

Le livret ne donne aucune indication sur l'interprète. C'est que Julia Lezhneva vient peut-être directement... du Paradis. Ange aux joues arrondies, au regard interrogateur (qui sont ces humains?) avec un soupçon de peur mais qu'illumine un flot de cheveux dorés. Car tout semble surnaturel chez cette jeune musicienne (en fait, née à Sakhaline). Dès les premières mesures, l'on est saisi, happé par le timbre étrange fait de grâce, de lumière et de chaleur, par cette diction parfaite qui donne aux mots tout leur galbe mais aussi toute leur valeur. Par cette intelligence du texte poétique et musical, distillé avec une habileté souveraine, une précision qui donne son poids réel à chaque mot, à chaque trille, chaque ornement. Un exemple ? Le tercet final du « Salve Regina » que tous et toutes chantent de la même façon. Ici, beaucoup mieux : à l'émerveillement (O clemens), succèdent la foi naïve et vraie (O pia), un murmure d'émotion enfin, susurré à genoux (O dulcis, virgo Maria). Ce n'est plus du chant démonstratif mais une prière de l'être tout entier devenu miracle de beauté, d'ingénuité, de confiance. Accompagnée par un ensemble bien digne d'elle, aux accents profondément haendéliens teintés, ici ou là, de subtiles influences vivaldiennes, -écoutez les admirables réponses violonistiques du « concert master » Dmitry Sinkovsky (« Per dar pregio all'amor mio » extrait de Rodrigo) ! Ce récital est une succession d'émerveillements : longues tenues de souffle (2), fabuleux sauts d'octave, messa di voce, legato, volate et autres ornements parfaits, agilité, conversations avec les instruments solistes (formidable « Agrippina »), rivalité de trilles avec la flûte (« Dafne »), étreintes, fusions et ponctuations expressives de l'orchestre. Tout cela dans la simplicité (10) au seul et exclusif service de l'émotion musicale. Divines cadences exécutées avec goût, jamais détimbrées, et d'une délicatesse pudique. Ainsi de l'air aussi périlleux (dans son dénuement) que ressassé -« Lascia la spina »- encore jamais entendu « ainsi » ! Admiratrice de Cecilia Bartoli, la jeune cantatrice à laquelle on cherche des modèles flatteurs mais erronés a le mérite de n'imiter personne et de tracer sa propre trajectoire : belle, lumineuse, rare.
Bénédicte Palaux Simonnet

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