Trois concertos pour vents de Mozart rhabillés en tunique de printemps
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour hautbois en ut majeur K. 314. Concerto pour flûte en sol majeur K. 313. Concerto pour basson en si majeur K. 191. Andante pour flûte et orchestre en ut majeur K. 315. Dorothea Seel, flûte. Andreas Helm, hautbois. Katrin Lazar, basson. Barocksolisten München. Octobre 2022. Livret en anglais, allemand. 66’33’’. Musikmuseum 70 CD 13069
Voici une lecture délibérément chambriste de trois célèbres concertos pour vents, où l’accompagnement se présente limité à un quintette d’archets (deux violons, alto, violoncelle, violone) en sus du renfort harmonique (paires de flûtes, hautbois, cors, et… orgue positif). Nul n’objectera qu’en cette frange du XVIIIe siècle comme à d’autres époques, les effectifs s’adaptaient aux contraintes et disponibilités locales. Dans l’environnement viennois subsistent certaines traces de matériel d’orchestre réduit à une copie par partie de cordes, accréditant que ces partitions de Mozart y fussent jouées dans ce format. Mais doit-on faire de contingence vertu ? quel argument, quelle preuve permet d’affirmer que cette congruité aurait la faveur du compositeur ? On sait en revanche qu’il admira les larges orchestres parisiens, et l’exécution de symphonies enrôlant plusieurs dizaines de cordes est attestée. On peut ainsi estimer que le postulat en page 6 (« The use of solo instruments for all orchestral parts – in accordance with historical practice ») aurait mérité d’être étayé, sourcé, relativisé.
Les larges phalanges austro-allemandes réunies hier sous les baguettes de Karl Böhm, Herbert von Karajan ou même Claudio Abbado (avec Emmanuel Pahud, Emi, septembre 1996) ne sont certes pas la seule voie possible, et s’inscrivent dans une discographie qui a généralement évolué vers des palettes allégées. En témoigne le tout récent CD de François Lazarevitch (Alpha, juin 2023) s’en remettant à treize archets. Les radicales options des Barocksolisten de Munich seront peut-être jugées excessives, du moins quant aux habitudes d’écoute, d’où notre évaluation prudente.
Dans cette parure ajustée se démarque la véloce contribution de Dorothea Seel pour le K. 313. Dans le K. 314, le soliste se détache moins, d’autant que cet enregistrement a choisi de remplacer les deux hautbois du tutti par des lumineuses traversières qui, malgré les efforts d’en contenir le timbre, conspirent contre les interventions, au demeurant clairement articulées, d’Andreas Helm. Cette concurrence brouille les pistes et tend à apparenter les œuvres à un Divertimento ou une Sérénade court vêtus. Le savoureux basson de Katrin Lazar ne se laisse cependant pas voler la vedette dans le K. 315, qui s’avère la proposition la plus équilibrée de cet album.
Aucune réserve ne remettrait en cause le talent des trois solistes, associés à de prestigieux ensembles de la scène baroque. À défaut de consensus, leur approche optimise une finesse et une transparence de textures qu’on ne saurait en soi récuser, et que flatte une spacieuse, consistante captation prémunissant de toute chétivité. Le génie mélodique mozartien émerge sur un fond décanté, les coloris instrumentaux en sortent aérés, purs, saturés. À ce titre, et au-delà du débat de performance practice, ces interprétations ne laisseront nulle oreille sur sa faim, quand elles redéfinissent les contours et retaillent les atours de ces trois chefs-d’œuvre du répertoire classique. Les mélomanes qui pensaient en avoir fait le tour ne manqueront pas cette rafraîchissante parution, côté jardin.
Christophe Steyne
Son : 9 – Livret : 7 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 8