Un Belge sous Louis XVI
Thésée de Gossec à Liège
Décidément, la tragédie lyrique post-gluckiste a le vent en poupe ces derniers temps. Après Catel ou Sacchini, voici Gossec. Non, ce musicien originaire du Hainaut belge n’est pas seulement l’auteur de symphonies remarquables ni de chants révolutionnaires, mais aussi de deux tragédies lyriques dont ce Thésée de 1782, écrit sur le même texte de Quinault déjà utilisé par le vieux Lully, ainsi que le voulait Devismes, directeur de l’Opéra, dans un effort de relance du patrimoine, à l’instar de l’Armide de Gluck ou de l’Amadis de Gaule de Jean-Chrétien Bach.
Un peu comme si, aujourd’hui, un directeur d’opéra commandait à un compositeur d’écrire un nouveau Pelléas et Mélisande ou un nouveau Chevalier à la rose. Qui oserait relever le défi ? Gossec l’a parfaitement accompli, et son Thésée tient bien la route, dès l’ouverture, enchaînant le premier choeur, comme dans Iphigénie en Tauride. C’est le personnage de Médée qui domine l’oeuvre. Après avoir occis ses enfants, incorrigible, elle s’apprête à tuer Thésée, lequel lui préfère la jolie Eglé. Heureusement, Minerve interviendra pour le “happy end”. Les duos entre Médée et Eglé (II) ou Egée (III) sont particulièrement remarquables, et Jennifer Borghi s’y révèle véhémente, perfide à souhait. L’Eglé touchante de Virginie Pochon et le grave roi Egée de Tassis Christoyannis, tout comme le brillant Thésée de Frédéric Antoun, le ténor canadien qui monte, complétaient une distribution bien choisie. Je n’aurai garde d’oublier l’adorable Caroline Weynants en Dorine, ni Aurélie Franck ou Katia Velletaz, solistes du chœur, qui interprètent avec bonheur de petits rôles. Le choeur de chambre de Namur et Les Agrémens de Guy Van Waas, très en forme, ont trouvé à briller dans le long divertissement clôturant l’acte I ou l’effroyable scène des supplices avec ballet infernal à l’acte III. Une redécouverte importante qui, fort judicieusement, fera l’objet d’un enregistrement pour le label Palazzetto Bru Zane, bien évidemment à la source de pareille résurrection. Avec la parution annoncée des Bayadères de Catel, la tragédie lyrique du tournant XVIII-XIXème siècle a de beaux jours devant elle.
Bruno Peeters
Salle Philharmonique, le 11 novembre 2012