Balanchine / Ratmansky / Goecke à Monte-Carlo
En postlude au Printemps des Arts, Jean-Christophe Maillot, le directeur des Ballets de Monte-Carlo invite plusieurs chorégraphes pour faire la part belle à la création.
L'allemand Marco Goecke revient aux Ballets de Monte-Carlo pour une création mondiale La Nuit transfigurée sur la musique d'Arnold Schoenberg. Il n'utilise pas le récit d'après le poème de Dehmel (comme c'était le cas pour le concert du 16 mars avec le Quatuor Akilone). Il préfère ramener La Nuit transfigurée dans son univers, qu'il crée en travaillant avec les danseurs.
Le résultat est un peu déroutant. La lune apparaît au début et à la fin en fond de scène par des jeux d'ombres et de lumière. Les danseurs sont comme des contorsionnistes, toutes les parties du corps sont mobilisées, avec des mouvements saccadés et convulsifs, des prouesses incroyables de flexion et d'étirement.
Les bouches se déforment, les mains tremblent, un sentiment d'anxiété s'installe ...On pense au tableau expressionniste Le Cri d'Edvard Munch. Alexei Ratmansky est un chorégraphe ukrainien à la renommée internationale, ancien directeur du Bolchoï de Moscou et de l'American Ballet Theatre de New-York. Il est profondément attaché à son pays natal. Son ballet Wartime Elegy en réponse au déclenchement de la guerre est très émouvant. Vingt minutes de chorégraphies magnifiques, inventives et significatives.
Divisé en quatre parties, le premier et le dernier tableau sont composés sur les Quatre Postludes pour piano et orchestre à cordes du compositeur ukrainien Valentin Silvestrov. Ils sont imprégnés de la tragédie et de la tristesse de la guerre, avec des duos empreints de nostalgie et de peur, et des solos lyriques. Les danses folkloriques du milieu sont entraînantes et pleines de vie, un clin d'œil à la résilience et à la positivité du peuple ukrainien, et reflètent également la longue histoire de la tradition ukrainienne. Les danseurs sont époustouflants par la vitesse et la hauteur de leurs jetés, leurs jeux de jambes complexes, laissant le public bouche bée tandis qu'ils s'élancent dans les airs.
La représentation commence par le ballet Les Quatre tempéraments de George Balanchine sur la musique de Paul Hindemith, un des grands classiques du répertoire de la compagnie. Les corps vibrent tels les instruments d’un orchestre. À l’image des humeurs qui traversent les hommes, la danse, fluide et imprévisible, mêle consonances et dissonances. La légendaire Patricia Neary, a été pendant plus de 40 ans l'ambassadrice du Balanchine Trust. Elle est venue spécialement à Monaco pour remonter le ballet. Agée de 82 ans, elle a annoncé qu'elle prenait sa retraite. C'est donc un moment culminant pour les Ballets de Monte-Carlo d'avoir pu bénéficier de son savoir.
L’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo est dans la fosse sous la direction de Jesko Sirvend, vainqueur du Concours Svetlanov en 2022 et, pour Hindemith, ils sont rejoints par le brillant pianiste David Bismuth.
Monte-Carlo, Grimaldi Forum, 27 avril 2025
Carlo Schreiber
Crédits photographiques : Alice Blangero