Un ferment baroque du quatuor à cordes classique, avec l’Ensemble Diderot

par

Johann Gottlieb Goldberg (1727-1756) : Sonate en ut mineur DürG 14. Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Sonate en la mineur TWV 43:a5. George Frideric Handel (1765-1759) : Sonate en sol majeur Op. 5 no 4 HWV 399. Johann Friedrich Fasch (1688-1758) : Sonate en ré mineur FaWV N:d3. Johann Gottlieb Janitsch (1708-1762) : Quadro en ré majeur. Ensemble Diderot. Johannes Pramsohler, Roldan Bernabé, violon. Alexandre Baldo, alto. Gulrim Choï, violoncelle. Philippe Grisvard, clavecin. Décembre 2021. Livret en anglais, français, allemand, japonais. TT 55’45. Audax ADX 11201

Un précédent album de Johannes Pramsohler et Philippe Grisvard situait les Suonate à Cembalo certato è Violino Solo de J.S. Bach dans le contexte de la polyphonie en trio nord-allemande. Les deux membres de l'ensemble Diderot reviennent ici en formation élargie et nous intéressent à un autre genre. Qu'elle dérive d’une amplification de la sonate en trio, ou d’une réduction des cinq voix de la sonate d'ensemble allemande ou de l'orchestre versaillais, la forme en quatuor (définie par Johann Joachim Quantz comme une « sonate à trois instruments concertant sur une basse ») connut un certain succès dans la première moitié du XVIIIe siècle, à travers quelques exemples dont ce CD nous livre un échantillon essentiellement germanique, témoin des goûts réunis, s'inspirant des écoles française et italienne.

Le programme évolue d'un certain académisme (une sonate en ut mineur de Johann Gottlieb Goldberg que l'équipe de Ludus Instrumentalis avait déjà gravée en septembre 2020) vers la manière plus galante de Johann Friedrich Fasch et de Johann Gottlieb Janitsch, contrebassiste à la cour de Frédéric II. Le quatuor en ré majeur de ce dernier, découvert dans un recueil de la Bibliothèque royale de Copenhague, connaît ici son tout premier enregistrement. Le parcours inclut aussi une sonate de Telemann dont le suggestif second mouvement exalte les plaisirs de la chasse.

Avouons qu'on risquerait de suspecter une contradiction dans ce qui relève plutôt d’une concession à l’effectif en jeu : citation de Carl Friedrich Zelter à l’appui, un paragraphe du livret critique l’émancipation en quatuor des sonates en trio de Haendel, alors que la célèbre numéro 4 de l’opus 5 est ici abordée en ayant « ajouté l'alto, dans le but d'étoffer l'harmonie et d'épaissir la texture sonore », –une option qui n’est certes pas inaccoutumée.

Quoi qu'il en soit, sur l’ensemble du parcours, l'interprétation sert les œuvres avec brio, dans un flux spontané pas toujours dénué d’aspérités. Même si le volume de chaque registre reste pertinemment équilibré, la verve rythmique domine sur le charme mélodique et la perfection de l’articulation. Au sein de ce commerce d’archets très caractérisés, d’une éloquence corsée, les instrumentistes n’abdiquent pas leur individualité dans la respiration collective. On saluera en tout cas le fin travail du claveciniste, et la précision de la violoncelliste, déjà saluée comme soliste dans nos colonnes, aussi discrète qu’efficace. Ces « subtiles conversations à quatre voix » marquent-elles la fin d’une époque, ainsi que concluent les lignes de Johannes Pramsohler, ou pavent-elles la voie au quatuor à cordes classiques ? Ce disque stimule les hypothèses.

Son : 8,5 – Livret : 9,5 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

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