Les Sonates en trio de Goldberg, affermies par Ludus Instrumentalis

par

Johann Gottlieb Goldberg (1727-1756) : Sonates en trio en si bémol majeur, la mineur, sol mineur, ut majeur DürG 10-13. Sonate pour deux violons, alto et basse continue en ut mineur DürG 14. Prélude et Fugue DürG 5 [arrgmt]. Ludus Instrumentalis. Evgeny Sviridov, Anna Dmitrieva, violon. Corina Golomoz, alto. Davit Melkonyan, violoncelle. Elizaveta Solovey, théorbe. Stanislav Gres, clavecin. Septembre 2020. Livret en anglais, français, allemand. TT 69’46. Ricercar RIC 426

On ne prête qu’aux riches : la Sonate en ut majeur fut longtemps attribuée à Johann Sebastian Bach, (elle reçut même un classement au BWV 1037), avant qu’on n’en restitue la paternité à ce musicien prématurément disparu l’année où naissait Mozart. C’est bien le Johann Gottlieb Goldberg associé aux célèbres Variations BWV 988 du Cantor, virtuose du clavier et déchiffreur réputé, qui selon la légende les jouait pour accompagner les nuits de son maître le Comte Keyserlingk. En tant que compositeur, on lui doit des cantates, des concertos pour clavecin et des œuvres de chambre qui témoignent de divers styles, du contrepoint à l’ancienne (cf la fugue en plage 17) jusqu’à la manière galante : la sonate en sol mineur s’achève par un gracieux menuet, et le quatuor en do mineur par une espiègle gigue. Les influences ne négligent pas les emports du Stürm und Drang, comme en atteste le véhément Finale de la sonate en la mineur, précédé par un allegro tout aussi entêtant. L’imagination de Goldberg transparaît dans la sonate en si bémol majeur, notamment dans la chaconne qui semble s’inventer en chemin. 

Au disque, on croise parfois ces partitions dans les anthologies, comme le florilège de sonates en trio allemandes par l’ensemble London Baroque (Bis, 2013). En 1997 pour le label MDG, Musica Alta Ripa avait déjà enregistré le même programme que le présent album, en complétant par quelques-unes des vingt-quatre Polonaises. On se réjouit que cette nouvelle parution vienne abonder la discographie par une interprétation autoritaire et corsée, parfois un brin rigide et dure, proclamant en tout cas avec force la maturité d’un compositeur maître de ses modèles et de ses emprunts. Menée par le jeune couple de violonistes russes, l’équipe d’archets affirme sa cohésion (superbe allegro de la DürG 14), sa discipline de tous les instants, sertie dans un continuo agile, au gré d’un discours serré de près et parfaitement vissé. Johann Friedrich Reichardt (1752-1814) décrivit Goldberg comme un « excentrique mélancolique et têtu » : c’est cette fierté ombrageuse et aturrée qu’arbore ce CD.

Son : 8,5 – Livret : 9 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

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