Un irrésistible opéra de Gerald Barry au Théâtre de l’Athénée

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Gerald Barry est un compositeur célèbre en Grande Bretagne. Après Nancy en 2013, le Théâtre de l’Athénée présentait une version scénique du cinquième opéra du musicien irlandais L’Important d’être Constant d’après Wilde, par la troupe suisse de l’Opéra Louise.

Les premières mesures donnent le ton : on se retrouve emporté dans un maelstrom fiévreux de fanfares virtuoses (infaillible Orchestre de Chambre Fribourgeois dirigé par Jérôme Kuhn) alors même que l’exposition dramatique est précipitée. Tout ce qui pourrait paraître daté à des oreilles continentales (L’Important d’être constant est relativement méconnu de ce côté-ci de la Manche) est ici pulvérisé au profit d’un délicieux nonsense. On pense à David Lynch, on pense à Alice aux pays des merveilles de Lewis Carroll avec ces décors rose, violet, menthe et ces costumes acidulés. Bien sûr, on ne comprend pas toujours tout au début : les deux personnages masculins (Jack Worthing, Algernon Moncrieff) et féminins (Gwendolen Fairfax, Cecily Cardew) ne sont pas différenciés, si bien qu’il faut du temps pour savourer la mécanique délicieusement confectionnée par le metteur en scène Julien Chavaz.

Musicalement, la partition acide de Gerald Barry est pétillante et séduisante. On parlerait d’une musique remontée comme un ressort : on oscille entre cuivres stravinskiens, coups d’arrêts sériels, quand une bourrasque nous emporte, le temps d’un bref énervement, vers des contrées quasi varésiennes. Sans systématisme, Gerald Barry parvient, à partir d’un dispositif très minimaliste, à apporter variété et humour. Certaines de ses trouvailles éclatent comme des petites bombes, comme ce sprechgesang au mégaphone ou ces lancers d’assiettes rythmiques d’une formidable drôlerie.

Avec de tels décors, on aimerait parfois plus d’étrangeté et la mise en scène de Julien Chavaz surligne parfois trop le burlesque en cherchant l’illustration à tout prix. Mais qu’importe quand on déguste une troupe de chanteurs comme celle présente à l’Athénée ! Du strict point de vue du chant, on distinguera les très belles interprétations d’Ed Ballard (Algernon) et Alison Scherzer (Cecily). Tous les autres chanteurs (Steven Beard, Nina van Essen, Graeme Danby, Timur, Jessica Walker, Vincent Casagrande) pétillent d’abattage comique et participent au bonheur joyeux d’une soirée très enlevée. Très recommandé !

Théâtre de l’Athénée, le 16 mai 2019

Laurent Villarem

Crédits photographiques : Magali Dougados

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