Un portait de Mozart amoureux pour la résurrection d'ERATO
Wolfgang Amadeux Mozart (1756-1791)
The Weber Sisters
Prologue : La confidence naïve
Les petits riens K.299b, Ouverture - Ah, vous dirais-je maman & Pantomime Pantalon und Colombine K.446 - andante Dans un bois solitaire K.308 - Pantomime Pantalon und Colombine K.446, adagio
Aloysia
Alcandro lo confesso... Non so d'onde viene K.294 - Vorrei spiegarvi, oh Dio K.418
Popoli di Tessaglia... Io non chiedo K.316 - Nehmt meinen Dank K.383
Josepha
Adagio K.410, en fa majeur pour 2 cors de basset et basson - Schon lacht der holde Frühling K.580 - Die Zauberflöte K.620, Der Hölle Rache - Thamos, König in Ägypten K.345,
Entracte
Constanze
Die Zauberflöte K.620, Marsch der Priester - Solfeggio K.393 n°2 en fa majeur - Messe en ut mineur K.417, Et incarnatus est
Sabine Devieilhe, soprano, Ensemble Pigmalion, dir.: Raphaël Pichon
2015-DDD-72'26''-Texte de présentation en français, anglais et allemand - 1 CD ERATO 0825646016259
Pas de chimie ici, mais une réelle alchimie sonore pour fêter la renaissance d'ERATO disparu pendant quelques années dans les labyrinthes des grandes multinationales. C'est Mozart qui en est le magicien avec les aides de ses artisans Sabine Devieilhe et Raphaël Pichon. Et surtout, grâce à un projet diablement original centré sur les relations du compositeur avec les quatre filles du souffleur de théâtre Fridolin Weber. Pour la petite histoire (musicale), Fridolin Weber est le frère de Franz Anton, le père de Carl Maria (von) Weber, l'auteur du Freischütz ; Aloysia, Josepha, Constanze et Sophie sont ainsi cousines germaines de Carl Maria.
L'histoire a retenu l'attirance passionnée de Mozart pour Aloysia dès sa première visite chez les Weber en 1777, attirance très vite non partagée par l'admirée. On cite toujours le mariage raisonnable avec la sœur, Constanze, en 1782. On évoque rarement que le rôle de la reine de la nuit dans La Flûte enchantée a été joué par Josepha (Hofer par son mariage) et que Sophie aurait soutenu Constanze dans les derniers jours de son mari : Ah, ma bonne Sophie, vous avez bien fait de venir, il faut rester ici cette nuit, il faut que vous me voyiez mourir. Vérités ou parfois légendes, c'est ce parcours sentimental de Mozart que l'enregistrement de Sabine Devieilhe et de Raphaël Pichon nous propose de revivre à travers un programme judicieusement dosé.
L'amour déçu avec Aloysia se reflète dans les textes des parties chantées :
...
Un enfant y dormait à l'ombre,
C'était le redoutable Amour
...
D'une de ses flèches cruelles
En partant, il me blesse au cœur
...
(Dans un bois solitaire K.308)
En mon cœur s'affrontent des sentiments si contraires qu'il ne me semble pas que la pitié puisse suffire
(Alcandro, lo confesso K.294)
Partez, courez
ne parlez pas d'amour,
son cœur est à vous.
(Vorrei spiegarvi, oh Dio! K.418)
Mais croyez moi, en tout pays
où je me rendrai, en tout temps,
mon coeur restera auprès de vous.
(Nehmt meinen Dank K.383)
On devine les sentiments ressentis par le pauvre Wolfgang confronté à la froideur amoureuse d'Aloysia.
Josepha intervient, comme on s'y attendait par la Reine de la nuit de La Flûte enchantée, mais aussi par l'aria moins connu Schon lacht der holde Frühling K.580 : Je reste assise à pleurer solitaire dans le pré, non pas mon agneau égaré, non, mais le berger Lindor.
Un tel projet se devait de se terminer par un extrait de grand messe en do mineur, en l'occurrence le superbe Et incarnatus est. Cette messe, largement inachevée - le credo ne comporte que le Credo in unum Deum et l'Et incarnatus est, pas de Crucifixus, Et resurrexit, Et in Spiritum Sanctum, Et unam sanctam ni Et vitam venturi ; y manquent aussi l'Agnus Dei et le Dona nobis pacem - aurait rivalisé en durée avec la messe en si de Bach et la Missa solemnis de Beethoven. Elle a été écrite en 1783 suite au vœu fait par Mozart pour la guérison de sa jeune fiancée, Constanze, tombée gravement malade quelques semaines avant leur mariage.
Le livret reprend le texte original (et leurs traductions) des morceaux chantés. Signalons aussi quelques raretés comme des extraits purement orchestraux de la pantomime Pantalon und Colombine K.446. ou les solfeggien für eine Singstimme K.393, ces exercices de solfège destinés à Constanze où apparaissent des thèmes proches de la messe en ut mineur.
Avec Sabine Devieilhe, une soprano fascinante dont la beauté vocale interroge, Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion dont la maîtrise des sonorités mozartiennes est évidente, nous avons tous les éléments d'une parfaite réussite et de plus d'une heure de pur bonheur.
Jean-Marie André
Son 9 – Livret 9 – Répertoire 10 – Interprétation 10