Un regard original sur Offenbach et ses Contes d’Hoffmann

par

Jean-Pierre Vidit : Les Contes d’Hoffmann ou le Reflet retrouvé de Jacques Offenbach, Lyon, Symétrie, ISBN 978-2-36485-099-6, 2020, 207 pages, 22 euros.

Certains ouvrages ne se laissent pas facilement appréhender quand il s’agit d’en faire une recension, en raison de leur nature même. C’est le cas de ce volume consacré à Offenbach et à ses Contes d’Hoffmann. Psychologue clinicien, ancien chargé de cours de la faculté de Nancy 2 et président du cercle lyrique de Metz depuis 2013, Jean-Pierre Vidit, comme l’indique la quatrième de couverture, s’est centré sur la genèse de l’écriture des opéras à travers des présentations d’œuvres à l’affiche de l’Opéra-Théâtre de Metz. Dans son livre, Jean-Pierre Vidit se penche sur la personnalité du compositeur, auquel il attribue trois visages. Le premier est lié à la notion de fête, à l’ironie et à la satire, le deuxième, moins marqué mais évident, relève de la tristesse malgré les chants joyeux, avec des aspects sombres qui peignent, à peine travestis, les modes de fonctionnement d’une société bourgeoise dont n’étaient pas exclues des réalités plus crues, parfois sordides. Quant au troisième visage, c’est celui du créateur face aux échecs de ses tentatives opératiques, la destinée n’octroyant le vrai succès à Offenbach que de façon posthume lors de la création des Contes d’Hoffmann.

Avec son regard de psychologue clinicien, Jean-Pierre Vidit propose, comme le souligne dans la préface Jean-Claude Yon, éminent spécialiste du compositeur, une réflexion globale sur le parcours artistique et sur la vie d’Offenbach, depuis son enfance à Cologne jusqu’à la chambre mortuaire de l’appartement du boulevard des Capucines.  La double casquette psychologue/ mélomane averti de l’auteur se concrétise dans la division de son travail, même si les deux aspects sont souvent mêlés. La première partie, intitulée Autour des Contes, s’attache à l’évolution d’une carrière qui englobe le départ de Cologne, l’affrontement de la séparation d’avec le milieu famililal, une longue et étonnante comparaison mythologique avec Ulysse et son retour à Ithaque, un parallèle autour de la figure paternelle qui nous ramène à Mozart, l’absorption du romantisme allemand et la découverte de E.T.A. Hoffmann. Tout cela est intéressant, en quelque sorte novateur, car on sent les réflexes du clinicien pour envisager les étapes d’une formation et d’un parcours musical. Avec l’une ou l’autre surprise, comme l’évocation du destin de Freddie Mercury, star du rock pour qui, comme pour Offenbach, ce qui devient important c’est de retrouver une harmonie propice à une créativité qui puise alors dans l’intériorité, ou, dans la foulée, en le détournant de son origine protocolaire, un emprunt au titre d’un livre d’Amélie Nothomb (dont on retrouve pas le nom dans l’index des personnes), Stupeur et tremblements, pour se pencher sur la période 1868-1872, considérée comme moment charnière dans la carrière du compositeur. Novateur et surprenant, car Jean-Pierre Vidit consacra aussi des pages à des jeux autour du patronyme : Off’n Bach qui assimile le compositeur à l’une des premières « rock stars » de l’histoire d’un show business qui prend naissance (le lien avec Freddie Mercury devient clair), et Off and Back avec la coexistence des formes de musique légère et sérieuse. Nous laisserons au lecteur le loisir de déchiffrer ces divers aspects.

Dans la deuxième partie, consacrée aux Contes d’Hoffmann dans la version de la création de 1881, Jean-Pierre Vidit découpe sa présentation selon le schéma opératique prologue - premier acte : Olympia - deuxième acte : Antonia - troisième acte : Giulietta - épilogue, mettant en évidence la qualité du livret de Barbier et Carré, les écrits de Hoffmann, les aspects de l’inachèvement de la partition ou l’efficacité de l’épilogue musical. Des œuvres qui ont précédé cet ultime opéra ne sont pas oubliées et apportent d’autres éléments de réflexion.  La lecture est décapante, elle mêle divers apports en reprenant des thèmes comparatifs de la première partie, mais l’approche artistique est toujours captivante, jusqu’à la conclusion qui explicite le titre du livre. Pour Jean-Pierre Vidit, Offenbach a probablement retrouvé le reflet perdu, métaphore d’un parcours qui l’a conduit au bord de la perte d’identité et de la dépersonnalisation

Ce volume, qui sort de l’ordinaire, révèle avant tout une profonde connaissance du sujet. Il réclame de l’attention pour suivre l’auteur dans les méandres d’une analyse qui n’est pas toujours évidente pour le lecteur. Par ailleurs, comme le reconnaît Jean-Claude Yon dans sa préface, on peut ne pas adhérer à cette vision personnelle, nourrie d’une érudition que l’on saluera comme elle le mérite et d’un amour pour l’œuvre d’Offenbach qui auréole l’étude entière. On espère que metteurs en scène et chanteurs iront puiser dans ces pages pour nourrir leur propre travail, écrit encore le préfacier.  Une piste à suivre ?

Jean Lacroix

 

 

 

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