Un séduisant oratorio naturaliste par un élève et rival de Haendel

par

John Christopher Smith (1712-1795) : The Seasons –oratorio (Londres, 1740). Emma Kirkby, soprano. Tim Mead, contre-ténor. Hans Jörg Mammel, ténor. Markus Simon, basse. Chœur du Festival Franconia. La Banda, Wolfgang Riedelbauch. Livret en anglais et allemand ; paroles en anglais non traduites. Juillet 2012 réédition 2022. TT 39’33 + 53’29. Christophorus CHE 0225-2

Issu d’une famille Schmidt établie en Franconie et émigrée outre-Manche à l’instigation de G.F. Haendel, le jeune John Christopher prit des leçons avec ce dernier et ne tarda pas à se faire remarquer des cénacles londoniens. Quitte à devenir rival du Caro Sassone. Compositeur, organisateur de concerts, directeur de Covent Garden, maître de musique de la Princesse de Galles, pensionné de la Couronne pendant les vingt dernières années, jusqu’à sa disparition à Bath en 1795. Illustrant le Hymn on the Seasons du poète écossais James Thomson, dont les textes inspirèrent aussi le librettiste des Saisons de Joseph Haydn, l’oratorio The Seasons alterne évocations naturalistes et célébration de la création divine, à travers les périodes de l’année, du printemps à l’hiver.

Soprano, ténor, alto, basse échoient respectivement d’airs associés à chaque saison, jusqu’à un émouvant chœur final (Mysterious round !). La seconde partie (CD 2) se consacre aux éléments (air, eau) et au décor de la nature, de l’inanimé (plantes, forêts, lune, astres, tonnerre, nuages, montagnes et vallées) jusqu’au vivant (oiseaux, bêtes sauvage) et s’achève bien sûr par l’Homme au sommet de ce règne : un chœur majestueux coiffant cet empire par un chant de louange. Le parcours inclut son lot de pastoralisme et d’imagerie attendue (les gazouillis champêtres de la sinfonia pour Spring, l’adorable Sweetest of birds) et adopte aussi une distance quasi philosophique que l’on retrouve dans le contemporain L'Allegro, il Penseroso ed il Moderato de Haendel. Un pont entre le Baroque et la sensibilité pré-romantique, dans une veine plutôt contemplative.

Réalisée voilà dix ans dans l’excellente acoustique de l’église St. Sebald de Nuremberg, l’agréable prise de son, précise et soyeuse, fait oublier la perfectible cohésion du plateau choral, et fournit un séduisant écrin aux prestations vocales, sans défaut et efficacement distribuées, dominées par le timbre pur d’Emma Kirkby. Et même si certains numéros s’en tiennent à une sereine suggestivité plutôt qu’ils ne creusent la caractérisation (le long air d’alto Ye that keep watch in heaven, le duo The thunder rolls). En tout cas, le cast masculin ténor / basse (Hans Jörg Mammel, Markus Simon) est tenu avec vaillance. L’orchestre sur instruments anciens (avec cors, trompette, flûte piccolo, garants d’éclat et de pittoresque) est dirigé avec soin, parfois trop, quand l’on apprécierait davantage d’impact et de poigne (Wide glow the fields). Capté en public, en lien avec le festival Musica Franconia, ce double-album ici réédité n’en constitue pas moins un intéressant tribut à la valorisation du répertoire oratorien anglais au milieu du XVIIIe siècle.

Son : 8,5 – Livret : 8 – Répertoire : 8,5 – Interprétation : 8,5

Christophe Steyne

 

 

 



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