Un Vivaldi en demi-teinte

par

Antonio Vivaldi
(1678-1741)
Concertos pour flûte RV 92, RV 108, RV 441 à 445
Dan Laurin, flûte, 1B1, dir. Jan Bjøranger
2016-70'03''-Textes de présentation en français, anglais et allemand-BIS-2035

Avec une trentaine d’enregistrements à son actif, Dan Laurin est devenu une figure de proue de la musique baroque qu’il n’est plus besoin de présenter. L’ensemble 1B1, en revanche, s’il a déjà beaucoup fait parler de lui en Norvège, commence à peine à se faire un nom dans nos contrées. Il s’est fixé pour ambition de contribuer à l’éducation artistique des musiciens amateurs et à l’éclosion des jeunes talents; projet qui lui a récemment valu plusieurs récompenses et que n’aurait assurément pas désavoué le plus illustre professeur de violon de l’Ospedale della Pietà, dont quelques-uns des concertos pour flûte sont ici à l’honneur. Laurin nous les sert avec éclat et luxuriance, faisant preuve d’une imagination débordante (que d’aucuns pourraient même trouver excessive) dans les ornements. On ne peut, hélas, en dire autant du jeune ensemble, qui le soutient, certes, de manière dévouée, mais fait preuve d’un peu trop de retenue. Il est vrai qu’il ne compte qu’un seul musicien par pupitre – à l’exception des violons I et II, qui en comptent deux –, mais ceci n’explique pas tout. Les phrasés rugueux du continuo manquent tantôt de mordant, tantôt de rondeur; les voix médianes, surtout, trahissent une certaine pâleur. Le contraste est entier avec la vigueur de Laurin, qui virevolte quant à lui, se joue des tempi avec une aisance étonnante dans les mouvements vifs et arbore une palette dynamique très variée, traduisant ainsi parfaitement l’humeur capricieuse de ces concertos. C’est dire que le soliste occupe ici le devant de la scène, au détriment des autres musiciens qui, si l’on excepte le violoncelle et la contrebasse aux basses charnues, sont relégués dans l’ombre. Il en résulte un déséquilibre expressif dans les dialogues concertants, qui laisse à l’auditeur attentif un arrière-goût un peu fade. Ce sont, en somme, les fastes et les frasques carnavalesques de la cité des Doges, les affects incisifs aussi qui participent tant de l’esprit baroque, qui font défaut dans cette lecture trop sage de ces chefs-d’œuvre d’il Prete rosso. La prise de son lumineuse confère, heureusement, un certain relief à l’ensemble, mais il manque, dans les tutti, un brin d’impertinence, de cette insolence qui donne précisément tant de saveur aux partitions de l’auteur des Quattro Stagioni.
Olivier Vrins

Son 9 - Livret 8 R - Répertoire 10 - Interprétation 8

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