Vêpres en l’honneur de Saint François Xavier à la Cour dresdoise d’Auguste le Fort

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Dresden Vespers. Johann David Heinichen (1683-1729) : Dixit Dominus, en fa majeur SeiH 44. Confitebor, en sol majeur SeiH 32. Beatus vir, en mi bémol majeur SeiH 28. Laudate pueri, en fa majeur SeiH 84. Laudate Dominum, en fa majeur SeiH 83. Iste confessor, en sol mineur SeiH 58a. Magnificat, en si bémol majeur SeiH 93. Alma Redemptoris Mater, en mi bémol majeur SeiH 23. Litaniæ de Sancto Xaverio, en ut mineur SeiH 87. Jaroslaw Thiel. Ensemble Polyharmonique. Wroclaw Baroque Orchestra. Livret en anglais, français, allemand ; paroles en latin, traduction trilingue. Juillet 2021. TT 67’21. Accent ACC 24381

Une cérémonie de Vêpres qui aurait pu être jouée à Dresde en décembre 1724 pendant la fête du missionnaire Francisco de Gassu y Javier, cofondateur de l’Ordre des Jésuites, canonisé en 1622. « Comment se fait-il qu’un fils de pasteur protestant en arrive à composer de la musique en l’honneur d’un saint catholique ? » interroge l’intéressante notice du CD, judicieusement argumentée. Heinichen fut engagé comme Kapellmeister de la Cour saxonne en août 1716 par le prince héritier, dont le père Frédéric-Auguste Ier (1670-1733) avait dû embrasser la foi catholique pour briguer la couronne polonaise, contraignant son fils à se convertir en 1712 lors de son Grand Tour. Frédéric-Auguste II (1696-1763) prit la main de Marie-Josèphe d'Autriche, qui organisa la célébration catholique sur le modèle de la Cour impériale viennoise, en rivalité avec le culte protestant qui détenait toujours la préséance protocolaire dans la « Florence de l’Elbe ».

Heinichen écrivit un grand lot de musique instrumentale, s’essaya au genre lyrique (on lui commanda Flavio Crispo). Mais une dissension entre les chanteurs amena Auguste le Fort à les congédier, inhibant la vie opératique de la cité pour quelques années. Johann Christian Schmidt était chargé de la musique pour le culte protestant : Heinichen se vit donc confier le répertoire d’obédience catholique. En 1710, la communauté jésuite de la Cour initia la célébration de Saint François Xavier, qui patronnait désormais la maison de Wettin. Parmi les psaumes, magnificat, hymnes vespéraux et antiennes mariales, l’enregistrement a sélectionné une série d’opus datant du début des années 1720, reconstituant une liturgie de vêpres conclue par les Litaniæ de Sancto Xaverio sous l’influence des Litanies de Lorette, un genre que le compositeur abonda dès 1724. Sa musique sacrée constitue hélas le parent pauvre de sa discographie, malgré le remarquable double-album Lamentationes & Passionsmusik de Reinhard Goebel (Archiv Produktion, 1996).

Un projet musicologique d’autant méritoire auquel nous convie Jaroslaw Thiel. La réalisation se montre globalement à la hauteur, hormis quelques pupitres masculins parfois trop neutres : Johannes Gaubitz un peu réservé dans son Tecum principium, un peu pâle dans son Suscepit Israel ; Cornelius Uhle un peu poreux dans son Suscitans. La basse de Matthias Lutze semble aussi trop lumineuse dans le Deposuit potentes. En tout cas, les ensembles sont finement pigmentés et agilement dessinés : le chatoyant Laudate Dominum, l’effervescence du Dominus a dextris tuis, un Beatus vir cristallin et mercuriel, en contraste avec un Iste confessor blême et diaphane. L’émotion s’instille dans les solos de Joowon Chung et Piotr Olech pour le premier volet du Magnificat. Sommet du programme, les Litanies sont diligentées a tempo sostenuto par le chef, pour un résultat incantatoire et capiteux mais sans lourdeur, jusqu’au douloureux chromatisme des dernières pages. L’orchestre de Wroclaw fournit un soutien précis et attentionné. Pour animer le texte, l’interprétation aurait certes demandé ça et là un surcroît de caractérisation, d’engagement, de couleur, mais ne démérite pas. Malgré les limites vocales, un apport bienvenu.

Son : 8 – Livret : 9,5 – Répertoire : 8 – Interprétation : 8

Christophe Steyne

 

 

 



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