Anthony Hermus prend la tête du Belgian National Orchestra

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Affluence et effervescence des grands soirs aux Palais des Beaux-Arts à l’occasion de ce premier concert de la saison de l’Orchestre National sous la baguette de celui qui n’est encore officiellement que le futur directeur musical de l’orchestre (il ne prendra en effet ses fonctions qu’en septembre 2023). Mais même si la présente saison est encore annoncée comme étant de transition, il ne fait pas de doute qu’Antony Hermus -qui dirigera en tout cinq programmes- entend bien dès à présent imprimer son sceau sur la formation bruxelloise.

Après un bref discours inaugural de l’intendant Hans Waege où ce dernier se félicita entre autres de voir enfin l’Orchestre National officiellement lié à la salle Henry Le Boeuf en devenant l’orchestre maison de Bozar ainsi que du prestige accru de l’ensemble qui accomplira cette saison d’importantes tournées en Grande-Bretagne et en Espagne et se produira également à trois reprises à Salzbourg, c’est sur les chapeaux des roues que le chef néerlandais et l’orchestre entamèrent ce concert en proposant au public Pulses of the Earth (2017) du compositeur anversois Wim Henderickx (né en 1962). Longue d’environ dix minutes et version révisée du deuxième mouvement de la Symphonie N° 2 « Aquarius ‘ Dream » de l’auteur, l’oeuvre -dynamique, bruyante, colorée et animée d’une irrésistible pulsion rythmique-  fait montre d’une écriture orchestrale très maîtrisée. C’est à une véritable débauche de couleurs et de rythmes qu’on a droit, sans parler des interventions vocales de l’orchestre qui à certains moments crie « cha-cha-cha » avec beaucoup d’enthousiasme. Le chef, l’orchestre et le compositeur -apparemment ravi- furent chaleureusement applaudis.

Après son exceptionnelle interprétation du Concerto de Sibelius avec ce même orchestre et son ancien directeur musical Mikko Franck en janvier dernier, c’est peu dire qu’on attendait avec impatience ce que Hilary Hahn allait nous offrir dans cet incontournable qu’est le Concerto pour violon de Brahms. Bénéficiant d’un accompagnement attentif et soigné de la part d’Antony Hermus et du BNO, la violoniste américaine donna de ce chef-d’œuvre une version personnelle et très impliquée. Elle fit admirer une fois de plus cette technique souveraine et cette autorité qu’on lui connaît, comme en témoigna la cadence du premier mouvement, exécutée avec une impressionnante rigueur. On se demande cependant si sa sonorité concentrée, voire par moments un peu astringente, est idéale dans cette oeuvre. Dans l’Adagio -après une introduction très bien préparée par le chef dont on soulignera le beau travail avec les vents- Hahn se montra plus altière et sereine que vraiment touchante.

On n’émettra en revanche aucune réserve pour le Finale, abordé par la soliste avec énormément d’entrain, de gaieté et un côté plaisamment aventureux, sans parler de sa technique d’archet sensationnelle. Chaleureusement ovationnée par une salle enthousiaste, Hahn se montra à son meilleur dans les bis, en l’occurrence deux mouvements pour violon seul de Bach (la Sarabande de la Deuxième Partita et -sauf erreur de ma part- la Courante de la Première Partita dont elle offrit, dans un son réellement transfiguré, des interprétations magnifiques qui suffiraient à justifier sa place au premier rang des violonistes d’aujourd’hui. 

Pour terminer la soirée en beauté, Antony Hermus avait programmé la Symphonie fantastique de Berlioz qui est autant un chef-d’oeuvre de délicate poésie et d’imagination débridée qui inaugure à lui tout seul le Romantisme en France qu’un cheval de bataille symphonique que tout chef et orchestre dignes de ce nom se doivent de maîtriser. Et il faut dire que tant l’interprétation très soigneusement préparée de Hermus que la prestation d’un Orchestre National discipliné, volontaire et enthousiaste firent la meilleure impression. Dans la Scène aux champs, les vents se firent valoir dans des solos d’excellente qualité et le chef obtint de très belles combinaisons de sonorités de l’orchestre. Après une Marche au supplice rigoureuse et tendue mais heureusement dépourvue d’hystérie, le Songe d’une nuit du sabbat termina l’oeuvre sur une atmosphère à la fois onirique, grinçante et débridée. Sous la direction toujours attentive de son futur chef permanent, l’orchestre se montra en excellente forme dans toutes ses sections. Seul petit bémol : si les violons se montrèrent très assurés sur le plan de la justesse et de la précision des attaques, la qualité de leur sonorité est encore perfectible. Mais nul doute que le chef y veillera. 

Bruxelles, Bozar, 9 septembre 2022.

Patrice Lieberman

Crédits photographiques : © Barth Decobecq



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