Volodos, le confident

par

© Uwe Arens

Franz Schubert: Sonate pour piano, D 279, Allegretto, D 346 Johannes Brahms:  6 Klavierstücke, op. 118 Robert Schumann:  Kinderscenen, op. 15 ; Fantaisie, op. 17 Arcadi Volodos est une légende vivante. Peu de pianistes égalent sa technique transcendante et sa maîtrise du son. Volodos n'a pas eu besoin de passer, comme pour la plupart des pianistes, par la case Concours International. Sa notoriété s'est faite par le bouche à oreille et ceux qui le connaissaient avant qu'il ne soit reconnu savaient qu'ils avaient devant eux un pianiste aux moyens hors normes. On se souvient de son récital à Bozar il y a trois ans avec une Sonate de Liszt à couper le souffle, originale et virtuose. Hier soir, le public bruxellois eut droit à un programme ne contenant que des oeuvres d'une grande profondeur et d'une sagesse d'esprit où l'on n’attend pas un virtuose de cette trempe. Détrompons-nous : même si Volodos s'est fait connaître du grand public par des transcriptions "feux d'artifices" nous grisant de vitesse et de clarté, ce pianiste russe est d'une grande sensibilité et Schubert, Schumann et Brahms sont les compositeurs avec lesquels il se sent le plus à l'aise. La Deuxième Sonate de Schubert (oeuvre inachevée) est jouée avec aisance et simplicité. On apprécie la volonté de mettre l’œuvre en avant et non sa personne. Cette Sonate n'est pas la plus belle ni la plus connue de Schubert mais elle recèle quelques passages sublimes qui mériteraient qu'on la joue plus souvent. Tout l'art de Volodos est là ; nous amener dans un lieu jusque là inconnu et nous le rendre familier. Chaque thème, développement ou autre procédé d'écriture nous est rendu limpide par le jeu clair et intelligent de ce pianiste. Plus connu des mélomanes et admiré des amoureux de Brahms, l'opus 118 est le moment où le compositeur se confie et semble n'écrire que pour lui. Le journal intime d’un homme en fin de vie. D'emblée, Volodos y est très à l'aise. Sa manière de s'asseoir, de jouer rappelle étrangement l’attitude de Brahms même, près du clavier, sur une chaise, utiliser les bras pour faire sonner l’instrument. On est loin de l'école française ou russe. Dans la deuxième pièce, Volodos offre des nuances extrêmes qui contrastent avec les nuances parfois trop fortes dans les passages plus emportés. Ses moyens semblent parfois dépasser cette musique intimiste. Mais toujours sensible et honnête, il ne semble jouer que pour lui. Un pianiste confident pour une musique intime. La deuxième partie était consacrée à Schumann et à deux de ses chefs-d'œuvre : les Scènes d'enfants et la Fantaisie. Dans les Scènes d'enfants, regard de Schumann sur le monde de l'enfance, chaque pièce est un monde à part entière et indissociable des autres. Volodos y rend la pureté et la poésie de l’enfant qui s'étonne de tant de beauté. La Fantaisie fut admirable aussi, même si, par moments, on aurait aimé un peu plus d'emportement : Volodos prend rarement les risques musicaux que ses moyens lui permettraient. En bis à un magnifique Oiseau Prophète tiré des Scènes de la Forêt (Schumann) et bien évidemment une de ses transcriptions qui nous rappelle qu'il n'y a qu'un Volodos. Maîtrise du clavier et intelligence de l'écriture. Un jour sans doute  ce pianiste phénoménal écrira-t-il quelque grande oeuvre pour piano car sa connaissance des effets pianistiques reste stupéfiante. François Mardirossian Bruxelles, Bozar, le 26 octobre 2014

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