Volume 6 de l’intégrale pour piano solo de Mendelssohn par Howard Shelley

par

Felix Mendelssohn (1809-1847) : Albumblatt en mi mineur ‘Lied ohne Worte’ op. 117 ; Lied en la mineur op. 19b n° 2 ; Capriccio en mi majeur op. 118 ; Perpetuum mobile en ré majeur op. 119 ; Prélude et Fugue en mi mineur WoO13 ; Esquisses musicales WoO19 ; Reiterlied en ré mineur ; Sonate pour piano en si bémol majeur op. 106 ; Lieder ohne Worte, Livre VII op. 85 et Livre VIII op. 102. Howard Shelley, piano. 2020. Notice en anglais, en français et en allemand. 73.57. Hyperíon CDA68368.

Avec ce sixième et dernier volet de son projet Mendelssohn, Howard Shelley achève une intégrale pour piano solo enregistrée sur plusieurs années, le premier volume ayant paru au début de 2013. C’est dire si tout a été réfléchi, pesé, approfondi, mûri et peaufiné avec beaucoup de soin. Après le cinquième volume auquel nous avons fait écho le 17 août 2021, cet ultime numéro d’une série qui se conjugue par ordre chronologique d’écriture met un point d’orgue à ce qu’il faut désormais considérer comme une référence moderne de ce legs pianistique. Les qualités globales de densité expressive, d’élégance et de finesse, de travail sur les nuances et les couleurs, de rondeur de son et de goût montrent à suffisance que le virtuose britannique a été à la hauteur de l’entreprise et de sa réalisation.

Les Livres VII op. 85 et VIII op. 102 des Lieder ohne Worte ont été tous les deux publiés à titre posthume, l’un en 1850, l’autre en 1868 ; c’est un choix de l’éditeur de Bonn, Simrock, qui s’était déjà chargé de la diffusion des cinq premiers Livres. Moins convaincants, moins achevés sur le plan de l’inspiration que leurs prédécesseurs, les pièces de ces deux volumes n’en revêtent pas moins un charme spécifique qui se concrétise, pour l’opus 85, dans les n° 2 (un Allegro agitato où la fièvre n’est pas absente), le n°4 (un Andante sostenuto où règne un émoi attendri) ou le n° 5 (un Allegretto de type choral). De l’opus 102, retenons en priorité le n° 3, un Presto aux accents féeriques, et le n° 4, un Andante, un poco agitato au ton de romance. Howard Shelley a le mérite de considérer avec soin chacune de ces petites pages que Mendelssohn aurait peut-être mieux ciselées s’il en avait eu le temps, et de leur accorder une attention qui les valorise. Ces Livres VII et VIII se situent à la fin du programme du présent album. Ils sont précédés par la Sonate op. 106, autre publication posthume d’une page qui date en réalité de 1827 et s’inspire très directement, chez le compositeur âgé de dix-huit ans, de la Hammerklavier de Beethoven, avec des turbulences dans le développement de l’Allegro vivace, un Scherzo en pianissimo, un Andante quasi allegretto dans la ligne d’une tendre romance et un Allegro molto dans le style enlevé de Weber. Le pianiste britannique, avec ces trois opus, couronne en quelque sorte tout le parcours de son intégrale grâce à un jeu attentif aux inflexions, y compris dans les pièces les moins prioritaires auxquelles il apporte sa spontanéité et la ferveur de son toucher.

Ces dernières plages de l’album occupent à elles seules près des deux tiers de sa durée totale. Avant elles, on découvre les deux Esquisses musicales de 1833 qui portent bien leur intitulé fragile, ainsi que deux pièces de 1837, aussi publiées de façon posthume. Il s’agit de l’Albumblatt op. 117, avec sa partie centrale chantante qui explique peut-être son sous-titre de ‘Lied ohne Worte’, puis du Prélude et Fugue en mi mineur qui se situe entre hommage à Bach et accents virtuoses. Pour faire bonne mesure, sont ajoutés le Capriccio op. 118, mélange de sentiment et d’agitation, le bref et échevelé Reiterlied (« Chant des cavaliers »), et le brillantissime Perpetuum mobile op. 119 qui ressemble à une révérence destinée à cet autre virtuose qu’était Weber, disparu en 1826. 

Ici s’achève donc l’aventure mendelssohnienne de Howard Shelley, que l’on placera au premier rang des traductions contemporaines d’un univers qui provoque toujours l’engouement qu’il mérite. Le pianiste anglais l’a bien compris, le mûrissement de son approche au fil des années confirme les vertus d’une musique écrite par un homme de génie disparu trop jeune. Effectué les 23 et 24 juin 2020 au Henry Wood Hall de Londres, cet enregistrement Hyperíon bénéficie d’une belle prise de son, claire et aérée.

Son : 9  Notice : 9  Répertoire : 9  Interprétation : 9     

Jean Lacroix

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