Wagner Geneva Festival : une occasion ratée

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Der fliegende Holländer (version parisienne de 1841) 
Depuis le 26 septembre, Genève vit à l’heure du bicentenaire de Wagner grâce à un important festival qui, jusqu’au 6 novembre, accumule récitals, concerts, théâtre musical, cinéma, danse et expositions et, surtout, présente une première ébauche de ‘Der fliegende Holländer’ conçue pour Paris. En mai 1840, le compositeur avait fait part au librettiste Eugène Scribe d’un petit opéra en un acte sur le sujet du ‘Hollandais volant’, avec l’espoir qu’il soit plus facilement monté que son ‘Rienzi’ aux proportions gigantesques. Il écrit le scénario en français, élabore la ballade de Senta et deux chœurs de l’acte III ; mais devant le désintérêt de l’Opéra, il vendra à la direction son ébauche de trame pour 5oo francs. En novembre 1841, il achèvera sa partition en traduisant le livret en allemand et en révisant plusieurs fois le texte musical ; et c’est donc le Hoftheater de Dresde qui en assurera la création, le 2 janvier 1843.
La curiosité est d’abord que certains personnages ont d’autres noms : ainsi, Donald deviendra Daland, Georg, Erik, l’Etranger, le Hollandais. A Genève, l’ouvrage est présenté en allemand, en un seul bloc reliant les trois actes. Dans un décor de Bettina Meyer consistant en un couloir de métro avec quelques strapontins adhérant aux murs et des costumes d’une rare laideur conçus par Bettina Walter, la mise en scène d’Alexander Schulin ne fait que régler les entrées des solistes et du chœur. Il est vrai que la Salle des Forces Motrices a une scène trop exiguë et une fosse d’orchestre trop peu profonde. Et c’est là que le bât blesse ! La formation instrumentale composée d’élèves des Hautes Ecoles de Musique de Genève, de Vaud-Valais-Fribourg et du CNSMD de Paris joue trop fort et assez mal sous la direction de Kirill Karabits qui tente la carte de la cohérence, qu’affiche néanmoins le Chœur du Grand-Théâtre de Genève. Dans l’ensemble, les solistes sont de bon niveau, à commencer par les deux ténors au timbre clair, Maximilian Schmitt (le Pilote) et Eric Cutler (Georg/Erik). Le baryton-basse américain Alfred Walker a la dimension impressionnante du Hollandais, quand Ingela Brimberg a les moyens vocaux d’une grande Senta, même si on lui fait camper une adolescente attardée avec sa poupée fétiche. Dimitri Ivashchenko ne voit en Donald/Daland qu’un matamore sans finesse malicieuse, quand Kismara Pessatti ne fait rien de Mary. Et si tout ce monde n’avait pas eu besoin de vociférer pendant plus de deux heures !
Paul-André Demierre
Genève, Bâtiment des Forces Motrices, le 30 octobre 2013

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