Tim Mariën défie et fascine notre sens de l’écoute

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Tim Mariën (1975-) : A Basement Suite. Tiptoe Company, Ictus, Ensemble Temporum. 46’59 – 2022 – Livret en : anglais, français, néerlandais. Passacaille Plus. PAS 9904. 

Une musique de no man’s land, des sons nichés entre les frontières d’états qui, de toute façon, semblent voués à se désagréger, laissent fuir (ou pénétrer) leurs émigrés (ou immigrés) au gré des différentiels économiques, des différends politiques, des divergences climatiques, voilà comment se présentent les étranges compositions de Tim Mariën, à l’image du parcours indécis du compositeur belge : d’abord intéressé par la peinture, il étudie le piano et la guitare, découvre Luigi Nono et Pierre Henry, étudie la musicologie et rédige sa thèse sur la théorie musicale de Harry Partch, laisse de côté la musique nouvelle pour le trombone dans une fanfare de rue avant d’y revenir après un séminaire avec Salvatore Sciarrino, puis se stabilise sur un intérêt marqué pour les tempéraments musicaux non conventionnels -à la suite de Partch, mais avec sa propre méthode ouverte, Mariën reconstruit et réaccorde les instruments pour les convertir à la microtonalité, quitte à redonner vie à certains d’entre eux voués à la déchetterie, pour faire, de la fragilité même du dispositif, un atout sonore dans un environnement chahuté. La découverte de cette musique de l’itinérance, déracinée autant que déracinante, au travers de quatre morceaux souvent récalcitrants, toujours indociles, aux couches dissimulées mais manifestes dans le constant échange entre les instruments, à l’écriture étalée sur vingt années, d’un compositeur qui revendique se sentir « plus lié au monde de l'art brut qu'au milieu musical officiel », est un défi, dérangeant pour notre cerveau habitué à la rigueur dodécatonale, et passionnant précisément parce que cette rigueur vole en éclats : de la simplicité (relative) de Melissa, œuvre précoce (2001) au foisonnement irréel et à l’errance irrésolue de A Basement Suite, pièce en cinq mouvements finalisée en 2020, nos oreilles, fascinées, ne savent plus où donner de la tête. 

Son : 7 – Livret : 8 – Répertoire : 9 – Interprétation : 8

Bernard Vincken

 

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