A Genève, François Dumont ouvre brillamment le Festival Chopin   

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Au cours de chaque automne a lieu à Genève un Festival Chopin qui se déroule en trois ou quatre lieux différents. Pour une 24e édition depuis 1997, son infatigable présidente, Aldona Budrewicz-Jacobson, sollicite à nouveau le concours du pianiste lyonnais François Dumont qui, outre le concert d’ouverture, dirige une masterclass durant quatre jours. 

Le 11 novembre au Conservatoire de Musique, il intitule son programme ‘Chopin et le charme de ses fantaisies’ et le commence par la redoutable Polonaise en la bémol majeur op.61 dite Polonaise-Fantaisie, où il dilue dans le jeu de pédale les longues cadences en arpèges en leur prêtant un tour énigmatique. Mais l’indication A tempo giusto permet d’édifier la polonaise proprement dite par le martellement des octaves qui dynamise la progression, tout en ménageant les contrastes d’éclairage jusqu’à un Poco più lento aux couleurs tamisées. Mais la liquidité des trilles en tierces ramène le caractère héroïque du début pour conclure par une péroraison grandiose. A titre d’intermède s’y enchaîne la célèbre Fantaisie-Impromptu en ut dièse mineur op.66, développée avec une vélocité ahurissante qui s’apaise avec le moderato cantabile traité ici comme l’une de ces arie de Bellini modérément ornementée que l’on pouvait entendre aux ‘Italiens’, avant que ne reprenne le babillage du début. Le rideau semble se refermer avec la Fantaisie en fa mineur op.49 dont le Tempo di marcia est buriné à la pointe sèche par des accords acérés que diluent les formules en arpèges faisant avancer le discours vers un agitato pathétique, tempéré fugacement par un Lento sostenuto totalement intériorisé.

Pour la seconde partie du programme, François Dumont collabore, comme l’an dernier, avec le Quintette Ephémère afin de proposer deux des pages avec orchestre. Et c’est au premier violon, Olivia Jacobson, qu’a incombé le soin de réduire l’accompagnement pour cinq cordes. Dans le cas de la Grande Fantaisie sur des airs polonais op.13, il s’agit d’un retour aux sources puisque, en mars 1830, Chopin l’aurait présentée ainsi à ses amis à Varsovie. En réponse au cantabile des archets, le soliste déploie une clarté volubile qui nimbe la mélodie populaire « La lune est déjà descendue » avant de donner libre cours à une virtuosité torrentielle sur un motif attribué à Karol Kurpinski puis dans une chanson paysanne et conclure par une vigoureuse Kujawiak accumulant les traits les plus redoutables. Puis l’on passe à Krakowiak, grand rondeau de concert op.14, achevé en décembre 1829 par un compositeur de dix-neuf ans. Piano et cordes l’enveloppent d’une nostalgie toute retenue que dissipe une cadenza ébouriffante amenant le thème du Rondò, articulé sur une basse grondante. Si l’accompagnement semble alourdir le propos, le solo recourt au leggerissimo dans l’aigu afin d’éclaircir un discours empreint de brio chevaleresque. 

Devant l’enthousiasme d’une salle comble, les interprètes ne disent mot mais offrent en complément le Larghetto du Deuxième Concerto en fa mineur op.21 dont la liberté de phrasé va de pair avec la qualité de la ligne de chant. A la suite du départ en coulisse du Quintette Ephémère, François Dumont enchaîne trois bis, la fameuse Etude Révolutionnaire (op.10 n.12 en ut mineur) déferlant comme la houle sur le clavier mais s’achevant pianissimo, la Première Valse en mi bémol majeur op.18 se jouant des notes répétées et une Berceuse en ré bémol majeur op.57, saupoudrée de touches délicates, où le temps suspend son vol…

Paul-André Demierre

Genève, Conservatoire de Musique, le 11 novembre 2021

Crédits photographiques  : Joseph Berardi

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