Beethoven à l’Arsenal de Metz avec Philippe Herreweghe
Beethoven à l’Arsenal
Ce 19 novembre, le maestro belge Philippe Herreweghe donna un concert Beethoven à l’Arsenal de Metz. Commençant par le quatrième concerto pour piano, le dernier que le compositeur interpréta en public, avec au piano d’époque Kristian Bezuidenhout, il laissa la vedette au pianiste en le laissant déployer sa grande agilité digitale. Suivant peut-être l’exemple de Beethoven, qui improvisait également autour de sa partition durant ses concerts, Kristian Bezuidenhout n’hésitait pas à arpéger déjà le thème germinal à l’exposition, au lieu de laisser sa simplicité respirer et au risque de gâter ce moment de sortie de l’intime. Son agilité digitale est omniprésente dès le premier mouvement. Trop peut-être, même. Si le concerto commence par un allegro, ce dernier est bien précisé moderato et si le rondo est vivace, un peu de modestie n’aurait fait qu’ajouter au charme. Bien que ces deux mouvements permettent le déploiement du talent du concertiste, la virtuosité ne doit-elle pas être au service de l’œuvre… Le second mouvement Andante con moto, que le pianiste Wilhelm Backhaus voyait comme la supplique d’Orphée à Hadès, durant lequel le piano, par de petites touches, adoucie par l’orchestre, révéla tout particulièrement son manque d’humilité en faisant buter ses galopins avec sa partition.
Derrière lui cependant, l’orchestre des Champs Elysées dirigé de main de maître par Philippe Herreweghe montra son éclat. Dès le premier mouvement, à la reprise du thème par l’orchestre, comme un oiseau ouvrant ses ailes, son élégance caractérisa son jeu. Sans jamais rien hâter ni gâter, chantant sa partition avec évidence, il suspendait le temps. La sonorité des instruments d’époque, un peu rugueuse et terrienne, semblait même lui donner une authenticité supplémentaire.
La deuxième partie du concert, durant laquelle le Collegium Vocale de Gand s’ajouta à l’orchestre, fut pour la trop rare Messe en Ut de Beethoven. Utilisant là aussi une conduire souple, élégante et simple, et surtout ce magnifique fondu instrumental, ce legato que certains des contemporains du compositeur eurent du mal à assimiler, que reprendront les romantiques après lui, et que nous aimons encore, l’orchestre restait d’une noblesse à la fois lumineuse et humaine. Le Collegium Vocale de Gent, quant à lui, laissa entendre tout le travail avec, bien entendu, les Messes de Haydn, et la Missa solamnis, mais aussi avec les œuvres liturgiques de Mozart et de Bach, pour arriver à ce naturel fluide et plein d’émotion du concert. Accompagné du charme cristallin de la soprano Sunhae Im, de celui plus sombre de la mezzo Sophie Harmsen, du grave baryton Samuel Hasselhorn et de celui du ténor Benjamin Hulett, la Messe en Ut annonce même l’Ode à la joie de la neuvième symphonie. Si le modèle de Haydn et Mozart, poursuivi du vivant de Beethoven par Hummel, reste sous la force de la puissance de dieu et donc de l’église, Beethoven en sort pour exprimer un cœur d’homme face à dieu.
Cette perspective d’un individu à côté d’une force, que ce soit la masse orchestrale pour le concerto ou dieu dans la Messe en Ut, pourrait être le point commun des deux œuvres du concert de ce 19 novembre.
Metz, Arsenal, le 19 novembre 2024
Crédits photographiques : Michiel Hendryckx