A Genève, Martha Argerich à la rescousse de l’OSR 

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Dans la saison actuelle de l’Orchestre de la Suisse Romande, les concerts se suivent mais ne se ressemblent guère. Qui a entendu, il y a une semaine, la fascinante sonorité produite sous la direction de Charles Dutoit tombe de haut lorsqu’il a affaire à une 41e Symphonie de Mozart dirigée par Jonathan Nott. Du concept jupitérien accolé à cette œuvre majeure, il ne reste pas grand-chose, tant elle semble provenir du tout-venant avec cette attaque de l’Allegro vivace qui semble chercher une assise, ce qui permet aux instruments à vent de se glisser dans leur ornière habituelle en revendiquant la proéminence sur les cordes qui tentent néanmoins d’iriser leur phrasé de nuances bienvenues. A cet effet, l’Andante cantabile stabilise le propos grâce aux violons tissant de soyeuses demi-teintes que les bois s’empresseront de pulvériser par les inflexions pathétiques du contre-sujet. A tempo presto est déroulé le Menuetto qui se pare d’un brin de malice dans le Trio où hautbois et premiers violons se dérident au gré d’un rubato nonchalant. Quant au génial Final osant le contrepoint le plus audacieux, il est pris au pas de charge réduisant à néant toute velléité de contraste. 

En début de programme, le bref Tango pour piano élaboré par Igor Stravinsky en 1940 puis arrangé pour dix-neuf instruments, treize ans plus tard, a fait office de hors-d’œuvre par les cordes chaloupées suscitant la veine sarcastique des vents.

Car il faut bien reconnaître que le plat de résistance est constitué par le Premier Concerto pour piano, trompette et orchestre à cordes en ut mineur op.35 de Dmitri Chostakovitch qui a pour solistes Martha Argerich et le trompettiste soliste de l’OSR, Giuliano Sommerhalder. Avec finesse, l’orchestre élabore un canevas empreint de nostalgie qu’accentue le piano à coup de traits cinglants souvent percussifs qu’il allège pour dialoguer avec la trompette puis entreprendre une course-poursuite. S’y enchaîne un Lento que chantent les cordes permettant à Martha Argerich une quasi improvisation où elle s’écoute beaucoup avant de céder la place à la trompette avec sourdine, masquant avec peine une indéfinissable tristesse qui enveloppera ensuite le Moderato et sa cadenza arachnéenne. Par contraste, le Final est époustouflant dans ce dialogue entre les deux solistes permettant à l’instrument de cuivre de mener la danse. Le clavier s’en amuse avec un trille ronflant propulsant une série de traits à couper le souffle qui provoquent le délire du public. Pour le remercier, solistes et chef reprennent cet Allegro con brio conclusif, suggérant même à la pianiste des phrasés encore plus émoustillants. Prodigieux !

Genève, Victoria Hall, 14 février 2024

Crédits photographiques : Magali Dougados 

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