A Genève,  un OCL mi-figue mi-raisin  

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Faut-il vraiment qu’un orchestre de chambre aborde le grand répertoire symphonique ? C’est la question cruciale qui se pose au sortir du concert donné par l’Orchestre de Chambre de Lausanne dirigé par le jeune Jamie Phillips au Victoria Hall de  Genève le jeudi 28 avril.

Même si l’Ouverture Coriolan de Beethoven prend un caractère farouche par la véhémence tragique des accords initiaux, l’on doit rapidement se rendre compte que l’étoffe des cordes paraît bien mince avec ses six premiers et six seconds violons qui luttent contre la phalange des bois par deux, des deux cors, des deux trompettes et des timbales. 

Le fait s’aggrave avec le Concerto pour violoncelle en si mineur op.104 d’Antonín Dvořák  dont le canevas nécessite en outre deux cors de plus, trois trombones et un tuba. Et tout ce petit monde des instruments à vent s’ingénie à jouer sempiternellement forte, en oubliant que le dialogue avec un soliste requiert aussi l’obligation de savoir l’accompagner. Xavier Phillips transpire sang et eau pour faire entendre la magnifique sonorité ambrée de son violoncelle qui trouve néanmoins des accents bouleversants d’émotion à insuffler à un Adagio ma non troppo intimiste. Et dans le sillon labouré du Final, il réussit à imposer un discours pathétique faisant grand effet sur le public qui l’applaudit à tout rompre.

Finalement la page la plus convaincante de ce programme est la Sérénade en mi bémol majeur op.6 de Josef Suk. Ecrite en 1892 par cet élève de Dvorak qui en deviendra même le beau-fils, cette page trop peu connue ne fait appel qu’aux cordes seules et s’imprègne, dès l’Andante con moto initial, d’une nostalgie idyllique qui respire la sérénité mais qui se laissera émoustiller par le caractère champêtre de l’Allegro ma non troppo e grazioso avec ses motifs dansants. Le climat s’assombrit avec un Adagio que chante le violoncelle solo amenant les autres pupitres à exprimer un lyrisme généreux osant d’audacieuses harmonies. Le Final a la gaieté débridée d’un furiant qui s’atténue fugitivement par l’apparition d’un choral bien étrange. Mais poindra un fugato des cordes graves entraînant une stretta échevelée qu’applaudissent les spectateurs subjugués. Une soirée inégale…

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 28 avril 2022

Crédits photographiques : DR

 

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