A Genève, une ‘chef’ débordante d’énergie ! 

par
Alsop

Pour deux concerts de sa saison, l’Orchestre de la Suisse Romande invite une artiste américaine, Marin Alsop, l’actuelle directrice musicale de l’Orchestre Symphonique de Baltimore et premier chef de l’Orchestre Symphonique de Sao Paulo. Quelle indomptable énergie elle dégage dès qu’elle attaque son premier programme débutant par une page trop peu connue, l Essay n.2 pour orchestre op.17 de Samuel Barber.

Créée par Bruno Walter et le New York Philharmonic le 16 avril 1942, cette œuvre d’une dizaine de minutes produit d’emblée une forte impression ; car elle lui prête un caractère incantatoire à partir de l’entrée de la flûte dialoguant ensuite avec la clarinette basse, le cor anglais et le hautbois. Puis l’éventail s’ouvre sur un tutti dont elle dégage les lignes de force avant de livrer un allegro où se répand la générosité mélodique sur un ostinato rythmique aboutissant à une coda d’allure majestueuse.
En ce premier soir, interviennent deux des cornistes chevronnés de l’OSR, Jean-Pierre Berry et Pierre Briand, qui encadrent deux jeunes fraîchement émoulus, Alexis Crouzil et Clément Charpentier-Leroy, pour présenter le Konzertstück en fa majeur op.86 de Robert Schumann ; abordé comme un véritable concerto aux élans festifs , cette page brève voit les quatre solistes s’ingénier à ne constituer qu’une seule voix se déployant en un cantabile large qui saura se resserrer dans un ‘Sehr lebhaft’ à la virtuosité ébouriffante. Vu le succès remporté par sa prestation, le quatuor glisse quelques effets ‘jazzy’ dans une transcription du ‘Summertime’ de Porgy and Bess.
Le second soir sert de concert d’ouverture pour le Concours Menuhin qui se déroule à Genève du 12 au 22 avril. Paraît d’abord la lauréate du 1er Prix Junior de l’édition 2016, Yesong Sophie Lee, âgée de… 14 ans, interprétant la Havanaise op.83 de Camille Saint-Saëns ; la sonorité est onctueuse, le phrasé, un peu raide au début ; mais la technique s’avère phénoménale dans l’usage des doubles cordes et la précision du trait. Lui succède l’un des membres du jury, le violoniste norvégien Henning Kraggerud qui fait pâle figure à côté de la petite, tant son Allegro molto appassionato du Concerto en mi mineur de Felix Mendelssohn est bousculé avec des ‘passaggi’ savonnés et une intonation parfois précaire ; par contre, l’Andante révèle un chant épuré puis une transition expressive amenant un Finale de meilleure tenue où les phrasés sont allégés. En bis tous deux prennent part à un morceau brillant en forme de scherzo composé par le violoniste lui-même.
En seconde partie des deux concerts, Marin Alsop propose l’un de ses chevaux de bataille, la célèbre Symphonie du Nouveau Monde d’Antonin Dvorak dont elle brosse la toile de fond en coloris neutres pour faire place à un pathétique Allegro molto dont elle contraste les éclairages, même si, par moments, le discours semble quelque peu touffu. Par contre, en le décantant, elle fait chanter au cor anglais un Largo émouvant par sa simplicité que pimentera le ‘Più mosso’ des bois pour conclure sur le pianissimo de segments mélodiques en suspension. Le Scherzo renoue avec une effervescence tonitruante qu’estomperont les élans dansants du trio, alors que le Finale est martelé par les cuivres triomphants sous lesquels s’immiscera une clarinette empreinte de mélancolie. Devant les salves de ‘hourra’ que déclenche le dernier accord, l’orchestre debout offre une Cinquième Danse Hongroise de Brahms à vous faire décoller de votre siège !
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, les 11 & 12 avril 2018

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