A Genève, une double casquette pour Renaud Capuçon

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Une ou deux fois par saison, l’Orchestre de Chambre de Lausanne est l’invité de l’Orchestre de la Suisse Romande. Et c’est avec son nouveau chef attitré, Renaud Capuçon, qu’il est affiché au Victoria Hall de Genève le jeudi 2 décembre pour un programme qui a pour point focal une page fascinante d’Arvo Pärt, Tabula rasa, incluant deux violons, un ensemble de cordes et un piano préparé. Ecrite en 1977 pour Gidon Kremer qui en assura la création à Talinn avec le concours de Tatjana Grindenko comme second violon, elle permet ici à Renaud Capuçon de dialoguer avec François Sochard, le chef de pupitre de la formation lausannoise. Inspirée par le concerto grosso baroque, l’œuvre minimaliste s’imprègne de mystère alors que les deux solistes discourent avec le clavier produisant des effets de cloches, tandis que le tutti ressasse le même dessin mélodique. A partir de pianissimi presque imperceptibles, le développement se corse de traits diaboliques achevant ce Ludus que pulvérise Silentium qui progresse par le biais de formules en arpèges du piano nous amenant à contempler le vide comme dans la toile Jour de lenteur d’Yves Tanguy. Peu à peu, tout retourne au silence, les deux violons se taisent en faisant place à la contrebasse qui laisse le propos en points de suspension.

En ouverture de programme, Renaud Capuçon avait été à la fois soliste et chef dans les deux Concerti pour violon, cordes et continuo BWV 1041 et 1042 de Bach qu’il aborde dans un tempo rapide qui frise l’exagération. Il recherche néanmoins les contrastes de phrasé en soulignant les accentuations, tout en cultivant le lyrisme intérieur dans les ‘andante’ médians. 

En seconde partie, Renaud Capuçon troque son violon contre la baguette pour l’un des ouvrages les plus célèbres de Mendelssohn, la Quatrième Symphonie en la majeur op.90 dite Italienne, qu’il veut exubérante par la précision du trait, même si la gestique paraît encore très raide. Des quelque vingt-cinq cordes, il obtient une fluidité d’exécution qui serpente sous le bloc isolé des vents. L’Allegro s’achève sur un stringendo qui resserre les textures, alors que l’Andante subséquent les détend, en faisant chanter naturellement les bois dans un legato qui semble avancer avec le pizzicato des cordes graves. Sous le même arc de liaison s’enchaîne le vif scherzo qui se pare d’une tendresse fugace, le temps d’un trio. Le Final renoue avec l’énergie du début pour un saltarello brillant que les souffleurs ponctuent de nobles accords. Et l’accueil chaleureux de la part du public genevois entraîne l’octroi d’un bis, une Valse triste de Sibelius, toute en demi-teintes vaporeuses.

Genève, Victoria Hall, le 2 décembre 2021

Paul-André Demierre

Crédits photographiques : Simon Fowler

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