A Genève, Renaud Capuçon magnifie Elgar 

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Le mercredi 13 avril, l’affiche du concert de l’Orchestre de la Suisse Romande dirigé par Jonathan Nott avait pour intitulé ‘Capuçon joue Elgar’. Et c’est effectivement le Concerto pour violon en si mineur op.61 de sir Edward Elgar qui attire l’attention. Cet ouvrage délibérément long a été créé à Londres le 10 novembre 1910 par Fritz Kreisler sous la direction du compositeur qui en réalisera, vingt-deux ans plus tard, un mémorable enregistrement avec un prodige de seize ans… Yehudi Menuhin. 

De la vaste Introduction comportant six thèmes, Jonathan Nott exacerbe les lignes de force pour extirper un lyrisme exalté frisant le pathétique ronflant, ce à quoi répond le solo avec de méditatives inflexions qui se corsent progressivement. Il faut relever que rarement Renaud Capuçon a produit une pareille ampleur de son lui permettant de faire entendre chacune de ses interventions, même s’il doit affronter de massifs tutti. Son art de faire respirer la phrase l’amène à produire un cantabile nostalgique qui se limitera à un simple contre-chant dans l’Andante médian. Il se laisse gagner peu à peu par un lyrisme généreux que le Final rendra dramatique avec des traits incisifs sollicitant une constante virtuosité. Le rappel des thèmes précédents étoffe la cadenza, libre comme une improvisation, avant de conclure par une brève péroraison aux accents éclatants qui suscitent l’enthousiasme du public acclamant particulièrement la prestation remarquable du soliste.

En seconde partie, Jonathan Nott reprend Le Sacre du Printemps qui figurait déjà dans le précédent concert du 16 mars. N’eût-il pas été plus judicieux de proposer à nouveau la Symphonie en ré mineur de César Franck présentée le 3 février ?... Remarquons toutefois que cette seconde exécution atteint à un meilleur niveau avec une introduction extrêmement lente détaillant chaque intervention des bois avant que ne prenne forme la Danse des adolescentes dont Jonathan Nott souligne l’accentuation syncopée. Il s’ingénie ensuite à caractériser chaque séquence en emportant dans un presto véhément le Jeu des cités rivales butant sur un Cortège du sage au rythme saccadé. Par une percussion à contretemps, la Danse de la Terre vibre d’une frénésie sauvage que déclenchent les cuivres cinglants. Dans la seconde partie, les cors avec sourdines finissent par imprégner l’atmosphère de relents étranges qui feront claudiquer le Cercle mystérieux des adolescentes. Les fulgurances d’éclairage opposant les cuivres beuglants aux pianissimi de cordes les plus décharnés se résorberont en une Danse sacrale échevelée qui déchaîne les hourras des spectateurs subjugués. Un concert captivant ! 

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 13 avril 2022

Crédits photographiques : Simon Fowler

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