A l’OSR, le Mahler de Jonathan Nott 

par

Avec le soutien de la Société Gustav Mahler de Genève, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande dédient leur programme du 30 septembre à l’illustre symphoniste autrichien en sollicitant le concours de la soprano bavaroise Christiane Karg.

Dans une musique que l’on associe volontiers aux timbres graves d’une Kathleen Ferrier, d’une Christa Ludwig, d’une Janet Baker, cette voix fruitée à la diction impeccable présente cinq des Rückert Lieder en commençant par Blicke mir nicht in die Lieder ; elle y développe un legato soutenu qui masque la faiblesse du bas medium s’étoffant progressivement avec Ich atmet’einen linden Duft où elle irise de sonorités aériennes le mot « linden ». Par contre, dans le sombre Um Mitternacht et dans le rasséréné Liebst du um Schönheit, elle s’arme de lyrisme pathétique pour tenir tête à des cuivres et à des bois qui ignorent systématiquement les nuances ‘mezzo forte’ et ‘piano’. Et c’est finalement le sublime Ich bin der Welt abhanden gekommen qui est le mieux équilibré dans ce phrasé en éventail se déployant avec lenteur en réponse à un cor anglais qui, lui, sait ce que signifie l’indication ‘pianissimo’.

De tout autre niveau d’exécution s’avère la Quatrième Symphonie en sol majeur dont Jonathan Nott sait dégager la fraîcheur enivrante en prenant le temps de dessiner chaque nouveau motif par un léger ‘ritardando’ qui délimite tout segment mélodique. Il fait ressortir la verve sardonique des bois amenant par deux fois de cinglants tutti ponctués par la percussion. Mais le da capo du thème initial allège les textures pour clarifier le discours qui trouvera une conclusion brillante. Le second mouvement indiqué In gemächlicher Bewegung tient du bastringue grinçant qu’émoustille une clarinette grivoise ; le trio dansant produit une accalmie qu’égrène la harpe afin de laisser entrevoir les sphères célestes. Le Ruhevoll caractérisant l’Adagio laisse aux violoncelles et contrebasses éplorés le soin de répandre une tendresse profuse ; en émergera un hautbois décidé annonçant l’enchaînement de variations à la dynamique si contrastée qui débouchera sur le massif mi majeur ouvrant brusquement la porte du Paradis. Pour la célèbre cuisine des anges du Finale, échafaudée à tempo moderato, la voix de Christiane Karg se veut radieuse, couronnant d’un long point d’orgue son dernier aigu, tandis que l’orchestre contrepointe ses strophes de coloris acides qui finiront par se dissiper en faisant place à une sérénité retrouvée qu’ovationne le public, conscient d’avoir assisté à une remarquable exécution.                 

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 30 septembre 2020

Crédits photograhiques : © Gisela Schenker

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