A quand un "véritable" festival Dvorak?

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C’est à Fabio Sinacori, responsable de la production artistique de l’Orchestre National de Belgique, que l’on doit l’idée d’un mini-festival Dvorak s’étendant sur quatre jours d’affilée, et qui -on peut le regretter- se concentrait, pour cette (première?) édition, sur quelques inoxydables tubes du compositeur tchèque. On se félicite toujours d’entendre des interprètes du calibre du Trio Wanderer et du Quatuor Pavel Haas, mais on eût aimé une programmation plus courageuse que ce qui figurait à l’affiche, surtout pour le volet orchestral (pourquoi pas quelques-uns des merveilleux et trop méconnus poèmes symphoniques de Dvorak, plutôt qu’une fois encore le concerto pour violoncelle et la symphonie du Nouveau Monde?). Mais c’était sans compter sur une inattendue surprise du chef (puisque c’est le directeur musical de l’ONB qui avait lui-même choisi le morceau) qui consista à faire entendre -plus que probablement pour la première fois à Bruxelles, si pas en Belgique- le très intrigant Sieben Worte de la toujours intéressante (et parfois même passionnante) Sofia Gubaidulina. Dans cette oeuvre de près d’une demi-heure qui est en fait un double concerto pour violoncelle, bayan (une variété russe d’accordéon) et orchestre à cordes, Gubaidulina s’inscrit dans la tradition des méditations sur les sept dernières paroles du Christ en croix, telle qu’illustrée par Schütz et Haydn. L’oeuvre captive de bout en bout par une magnifique gestion de la tension et une éloquence qui ne faiblit à aucun moment. Elle fut magnifiquement servie par deux brillants solistes, le violoncelliste Alban Gerhardt et l’accordéoniste Christophe Delporte qui, non contents d’être à la hauteur des redoutables exigences techniques de la partition, parvinrent à en transmettre superbement l’émotion, aidés en cela par les cordes de l’ONB, à la fois attentives et éloquentes sous la baguette scrupuleuse d’Andrey Boreyko. Le public d’une salle Henry Leboeuf très bien remplie ne s’y trompa pas, et réserva un chaleureux accueil aux excellents interprètes.
Boreyko et son orchestre, qui avaient ouvert le concert par des interprétations vives et enlevées de quatre Danses slaves de Dvorak, terminèrent la soirée par une très belle version, vive et colorée, de la Huitième Symphonie de l’auteur. Remarquablement conduit par son directeur musical, l’orchestre se montra vraiment sous son meilleur jour, avec des bois chantants et des cuivres pleins d’assurance. Même s’il arriva aux violons de se montrer parfois un peu stridents dans l’aigu, les cordes -dont on saluera la justesse très sûre et les amples phrasés- firent preuve d’une belle profondeur de son et réservèrent elles aussi quelques beaux moments.
Pour terminer, la question mérite d’être posée: à quand un véritable festival Dvorak qui offrirait au public bruxellois un choix de pages injustement ignorées du grand compositeur tchèque (les cinq premières symphonies, par exemple)?
Festival Dvorak 15-18 mai 2014
Bruxelles, ONB Bozar 16 mai 2014

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