Antoine Tamestit donne à l’alto de Telemann des lettres de noblesse

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Georg Philip Telemann (1681-1767) : Concerto pour alto en sol majeur TWV51/G9 ; Concerto pour deux altos en sol majeur TWV 52/G3 ; Ouverture Burlesque en si bémol majeur TWV 55/B8 ; Ouverture « La Changeante » en sol mineur TWV 55/B2 ; Sonate en ré mineur pour deux altos TWV 40/121 ; Fantaisies pour alto solo en do majeur TWV 40/14 et TWV 40/15. Antoine Tamestit et Sabine Fehlandt, altos ; Akademie für Alte Musik Berlin. 2020. Notice en français, en anglais et en allemand. 68.28. Harmonia Mundi HMM902342.

De façon étonnante, l’Italie baroque n’a pas manifesté un intérêt particulier pour les couleurs du violon alto. Vivaldi, pour ne parler que de lui, ignore totalement l’instrument parmi la masse de concertos qu’il laissera. C’est Telemann qui va lui donner ses lettres de noblesse dans le premier tiers du XVIIIe siècle et écrire le premier concerto soliste pour l’alto. Dans la notice, Frédéric Lainé, lui-même altiste et musicologue, précise que Telemann, alors le compositeur allemand le plus célèbre, est l’homme de la situation : sans préjugés, curieux, inventif, doué d’une énergie inépuisable. La partition date d’avant 1728, peut-être bien de la période où le maître est en fonction à Francfort-sur-le-Main entre 1716 et 1721 et est organisateur de concerts. 

Cela nous vaut une œuvre splendide en quatre mouvements avec un Largo initial qui installe un climat chaleureux avant qu’un Allegro plaisant ne virevolte. L’Andante très expressif précède un Presto final qui folâtre avec élégance. Un moment de vrai plaisir, que Tamestit investit avec son habituelle aisance et un goût irréprochable. Pour le concerto destiné à deux altos, il a pour partenaire Sabine Fehlandt, une habituée de l’Akademie für Alte Musik. Cette partition est écrite pour deux violettes, instruments sur la nature desquels on s’interroge encore, mais il pourrait s’agir d’altos de petite taille, excluant la tessiture grave, comme le précise la notice. Séduisante avec ces quatre mouvements dont des indications sont en français (Avec douceur, Gaÿ, Vivement), cette pièce montre la belle complicité ludique entre les deux interprètes, qui se confirme dans la transcription de la brève Sonate, tirée d’une suite de six, un cycle publié à Paris en 1738. Tamestit se lance encore, en solo, dans des transcriptions de deux Fantaisies. La virtuosité du Français trouve un terrain circonstancié qui lui permet de souligner aussi bien la densité du propos que la couleur de son instrument. Le plaisir est garanti à chaque fois.

Ce plaisir, on le doit aussi à la prestation de l’Akademie für Alte Musik et de son violon conducteur Bernhard Forck. L’ardeur, la justesse, l’inventivité, le discours lumineux offrent au(x) soliste(s) un bel écrin. Le programme est complété par deux mises en évidence des hautes qualités de l’ensemble berlinois. Ces « Ouvertures », parmi les très nombreuses que Telemann a laissées, sont des suites à la française vives et dynamiques. Dans la Burlesque, on retrouve des personnages savoureux de la Commedia dell’Arte, Pierrot ou Colombine, alors que dans la Changeante, la variété entre la douceur et la plaisanterie déploie son charme et sa noble élégance. Tout cela forme un joli panorama de l’invention mélodique, rarement prise en défaut, de Telemann. 

L’enregistrement, clair et précis, a été réalisé en juillet 2020 au Studio Teldex de Berlin. Il vient s’ajouter à la déjà longue discographie d’Antoine Tamestit, dans laquelle voisinent avec bonheur Bach, Mozart, Brahms ou Debussy, mais aussi Schnittke ou Widmann. 

Son : 9  Notice : 9  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix  

 

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