Au festival de Peralada, le chant domine

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Le Festival Castel Peralada (Espagne) offre à nouveau pendant ses six semaines un large choix de spectacles : concerts, opéras, ballets, danse, récitals, jazz et pop généralement présentés dans le grand auditorium dans le parc du château ou dans l’Eglesia del Carme. Le grand auditorium peut aussi recevoir des productions scéniques d’opéra et, cette année, La Traviata (Verdi) était à l’affiche, annoncée comme « un virage à 180° pour vivre une histoire d’amour sous une nouvelle perspective : celle d’une femme libérée, un esprit libre ».

Le Sempre libera de Violetta est projeté à maintes reprises sur le décor avec des citations (de femmes écrivains) relatives aux droits de la femme. Sans doute le metteur en scène Paco Azorin voulait-il à tout prix faire passer son message, mais ce qu’il propose est bien loin du livret et de la musique de Verdi : ainsi, ce n’est pas au nom de la liberté que Violetta quitte Alfredo. Et que vient faire cette adorable petite fille qui se promène dans l’histoire ? Pourquoi le décor de Paco Azorin se résume-t-il à quatre tables de billards dont la disposition varie, suspendus parfois ? Et pourquoi des acrobates à l’assaut des murs, focalisant l’attention du public -surtout quand un billard fait mine de se détacher- alors que les chanteurs expriment leurs émotions ? 

Heureusement, la « conception » de Paco Azorin n’a pas d’incidence sur l’exécution musicale de l’œuvre même si la caractérisation des protagonistes est parfois discutable (la timide première rencontre d’Alfredo et Violetta) et si les personnages se perdent dans les mouvements de foule agressifs qu’il impose aux chœurs.

Ekaterina Bakanova est la Violetta d’Azorin : une femme indépendante et forte qui se refuse en victime mais doit quand même subir son destin. Son soprano clair et homogène peut encore gagner en souplesse (coloratures) mais il est expressif et son interprétation est convaincante. René Barbera ne convainc pas en jeune homme de bonne famille, amoureux timide et amant blessé mais il offre un beau ténor bien contrôlé, un timbre clair et une réelle force dramatique. Quinn Kelsey apporte à Giorgio Germont sa stature impressionnante et sa voix de baryton un peu rugueuse. Il est moins père noble et distingué que père vengeur, prêt à retrousser les manches et son duo avec Violetta ne laisse aucun doute sur ses intentions exprimées de sa voix longue et expressive. Les trois protagonistes sont entourés d’un ensemble assez  homogène dans les rôles secondaires à l’exception de la Flora de Laura Vila, et par les excellents chœurs Intermezzo préparés par José Luis Basso. Riccardo Frizza dirige l’orchestre du Liceo de Barcelone en grande forme dans une exécution quasi complète de la partition (ce qui n’est pas souvent le cas aujourd’hui !), respectant la structure dramatique de la partition, ses émotions et son orchestration magistrale.

« HUMAN LOVE, LOVE DIVINE » était le thème du concert à l’Eglesia del Carme par la soprano Nuria Rial, le ténor Juan Sancho et la Capella Cracoviensis dirigée par Jan Thomasz Adamus. Ensemble, ils nous promènent dans l’œuvre de Händel, alternant fragments d’opéra, cantates, oratorios et odes dans un programme bien construit, agréable à écouter et couronné par le duo Happy we ! What joys I feel !, point d’orgue approprié pour cette prestation où nous avons admiré la musicalité, la voix fraiche et expressive et l’interprétation attachante de Nuria Rial, le sérieux, l’interprétation stricte et parfois trop intime de Juan Sancho et les qualités des membres de la Capella, surtout les vents.

Retour à l’auditorium pour écouter le ténor Juan Diego Florez et la soprano Ruzan Mantashyan avec l’Orquestra Simfonica del Vallès dirigé par Guillermo Garcia Calvo. Au programme, surtout des fragments d’opéra que Juan Diego Flores prépare. Exit donc « Ah ! Mes amis » (La Fille du Régiment, Donizetti) mais « Tombe degli avi miei » de Lucia di Lammermoor et, comme opéras français, Roméo et Juliette et Faust (Gounod), et Manon (Massenet). Pas de Rossini mais La Bohème de Puccini. Ruzan Mantashyan lui donne la réplique et offre quelques airs en soliste. Un répertoire assez inattendu, particulièrement l’ouverture de Mignon d’Ambroise Thomas qui ouvre le concert. L’Orquestra simfonica Del Vallès est un ensemble correct et Guillermo Garcia Calvo un musicien attentif et un chef galant. L’alchimie fonctionne entre Florez en Mantashyan qui offrent des duos passionnés : « Nuit d’hyménée » de Roméo et Juliette, « Nous vivrons à Paris » de Manon ou encore « O soave fanciulla » de La Bohème. Et la soprano propose « Je veux vivre » de Juliette, l’air des bijoux de Marguerite et « Si, mi chiamano Mimi » et l’orchestre donne aussi l’intermezzo de « L’amico Fritz » de Mascagni. Un programme varié auquel s’ajoutent en bis  l’incontournable « O mio babbino caro » pour Mantashyan, un duo de « El Gato Montés » de Penella puis Flores s’accompagne à la guitare dans des mélodies espagnoles. Le ténor péruvien a fait montre des différents aspects de son talent : voix percutante, capable de belles nuances et art subtil de l’interprétation, partenaire engagé pour la soprano arménienne à la gracieuse silhouette, la voix fraiche et l’interprétation assumée.

Crédits photographique : Merce Rial

Erna Metdepenninghen

Festival de Peralada, les 7, 8 et 9 août 2019

  

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