BBC Proms : le choc des contrastes 

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Rituel de l’été londonien, les BBC Proms offrent comme toujours une affiche des plus riches avec une grande variété des styles, de la musique de films aux grands répertoires symphoniques sans oublier le baroque, par des artistes britanniques et internationaux réputés ou en devenir(s). Voilà l’acte 1 d’un panorama de quelques concerts entendus l’espace d’un week-end. 

Fort peu connu en dehors du monde anglo-saxon, le chef d’orchestre John Wilson et son John Wilson Orchestra sont des stars au Royaume-Uni. Baguette virtuose mais surtout spécialiste des répertoires des musiques de films et des comédies musicales, le maestro et ses musiciens sont des habitués des BBC Proms où ils se produisent chaque année depuis 2009 ! Pour célébrer ses 10 ans sur la scène du Royal Albert Hall, les artistes offrent une soirée placée sous le thème des grandes musiques des frères Warner de l’âge d’or d’Hollywood. Tout au long de la soirée, le programme fait visiter les grands tubes et les découvertes de compositeurs parfois connus comme Erich Wolfgang Korngold, Max Steiner, Dimitri Tiomkin, Meredith Wilson, ou moins connus comme Jule Styne, Sammy Fain ou encore Bronislaw Kaper. Toutes ces musiques sont magnifiquement écrites et sont sublimées par les musiciens, renforcés des Maida Vale Singers et d’un quatuor de chanteurs : Mikaela Bennett, Louise Daerman, Kate Lindsey et Matt Ford. Parfait styliste, John Wilson est un maître de cérémonie des plus parfaits. Le public lui fait un véritable triomphe ! 

Changement d’ambiance le lendemain avec la visite annuelle du Philharmonia Orchestra sous la baguette d’Esa-Pekka Salonen dans un programme étrangement classique pour le démiurge finlandais : Brahms, Strauss et Bruckner. Autant dans Brahms que dans Bruckner, Esa-Pekka Salonen se concentre sur le discours musical dans une vision purement instrumentale. Les Variations sur un thème de Haydn sont bien cernées mais trop neutres alors que la Symphonie n°4 de Bruckner peine à retenir l’attention sur sa durée : le brio alternant avec l’ennui. Bruckner n’est pas le compositeur que l’on associe à Salonen ; lors de son mandat au Philharmonique de Los Angeles, il avait gravé une bien décevante lecture de cette même symphonie (Sony). Mais depuis quelques saisons, le chef se plaît à fréquenter quelques-unes des symphonies du Maître de Saint Florian et même à les emmener en tournée. En dépit de la virtuosité des pupitres du Philharmonia avec des cuivres impériaux, ce concert ne marquera pas les esprits. Tout comme avec les interprétations d’Andris Nelsons, un Bruckner purement instrumental montre vite ses limites, en particulier dans une symphonie aussi narrative que cette n°4. Points d’ombres sorties des paysages montagnards tourmentés, mais lecture très équilibrée des thèmes et qui tente de magnifier la beauté du contrepoint. Les deux derniers mouvements, plus pétaradants, font feu de tout bois, mais le mouvement lent “andante, quasi allegretto” est bien ennuyeux alors que le “bewegt, nicht zu schnell” manque d’unité et surtout de transcendance. 

Notons un incident de concert : Esa-Pekka Salonen du recommencer la Symphonie n°4 dont le début fut pertubé par des vociférations d'énergumènes rapidement sortis du Royal Albert Hall par la sécurité.

Très attendue pour ce concert suite à l’immense succès de son récital avec la même équipe artistique (Decca), la soprano Lise Davidsen venait de Bayreuth où elle chante actuellement pour un ensemble de quatre lieder avec orchestre de Richard Strauss (mais pas les Quatre derniers lieder du même Strauss). Il faut être admiratifs devant cette fabuleuse musicienne qui fascine par la plastique de son timbre, la qualité de sa projection, sa diction et surtout sa musicalité dans ces oeuvres. Esa-Pekka Salonen est un accompagnateur attentif, presque pudique, mais au service d’une voix exceptionnelle. Devant les acclamations du public, les artistes offrent un “Dich, teure Halle” du Tannhäuser de Wagner. 

Crédits photographiques : Sim Canetty-Clarke

Londres, Royal Albert Hall, 9 et 10 août 2019 

Pierre-Jean Tribot   

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