Bayreuth : la vengeance de H. 

par

Richard Wagner (1813-1883) : Der fliegende Holländer. Mise en scène et décors : Dmitri Tcherniakov ; Costumes : Elena Zaytseva ; dramaturgie :  Tatiana Werestchagina. Georg Zeppenfeld, Daland ; Asmik Grigorian, Senta ; Erik Cutler, Erik ; Marina Prudenskaya, Mary ; Attilio Glaser, Der Steuermann ; John Lundgren, Der Höllander. Chœur de festival de Bayreuth, chef des chœurs : Eberhard Friedrich. Orchestre du festival de Bayreuth, direction : Oksana Lyniv. Réalisation : Andy Sommer.  Formats images : 1080i: High Résolution 16:9 (BD) & NTSC Couleur 16:9. Formats sons : PCM Stereo, DTS-HD Master &Audio 5.0 (BD). Toutes les régions. Menu anglais. Sous-titres : allemand, anglais, français, espagnol et coeéen. Durée : 148’’ . 1 coffret DGG de 1 Blu-Ray et 1 DVD. 00440 073 6174. 

Événement du Festival de Bayreuth 2021, cette nouvelle production du Vaisseau Fantôme nous arrive dans une superbe double édition d’un Blu-Ray et d’un DVD DGG. Pour sa première mise en scène sur la colline sacrée, le trublion casse les codes et décape le livret. La violence de cette lecture cache même les débuts bayreuthiens de la cheffe Oksana Lyniv, première femme à diriger l’orchestre du Festival dans la fosse si particulière du Festspielhaus. 

La relecture de Tcherniakov est radicale : plus de vaisseau, plus de Hollandais, plus de fileuses au rouet, plus de nourrice, plus de sacrifice, plus de rédemption ou d’éléments autobiographiques. L’action se déroule dans un village indéfini qui, par la neutralité des décors, peut être universel. H. est le personnage central et l’ouverture nous apprend qu’il va se venger. L’ouverture est le prétexte à un drame, nouvelle histoire dans l’histoire.  Dans les rues sombres du village, une prostituée sert des passes à un homme, tout se déroule à la vue de son jeune fils. Cette dernière est peu à peu rejetée de toute la communauté et se suicide. Le jeune enfant est H. ! Devenu adulte il revient alors se venger tant de l’homme qui a violenté sa mère (qui n’est autre que Daland) que des lâches villageois. Mary n’est plus la nourrice, elle est la compagne de Daland et semble être la seule à identifier H. dans son orgie de violences. On ne se risquera pas ici à spoiler la fin de cette production, si ce n’est qu’elle n'a rien à voir avec le livret de l’opéra. Alors, comment considérer cette réalisation ? On peut bien évidemment se montrer scandalisé de tant de libertés qui font de  cet opéra un banal thriller comme on peut en voir tant. On peut regretter cette basse humanisation d’une œuvre à tant de niveaux de lectures ou des incohérences tel ce Timonier qui au lieu de tenir fermement la barre du navire vide ses bières dans un bar quelconque. 

Cependant, force est de constater que Tcherniakov  est un formidable directeur d’acteurs pouvant imposer des climats sombres et angoissants. On peut citer plusieurs scène à l’impact dramatique fort : le choeur des fileuses et la complainte du Hollandais chanté par Senta ; la rencontre entre Senta et le H. lors d’un repas de famille avec Daland et Mary et qui dégage un malaise tout comme l’acte III brillamment mené dans les mouvements de foules et la tension suggérée jusqu’à l’étonnante fin dans un chaos général. 

La direction d’Oksana Lyniv est en adéquation parfaite avec la mise en scène. La baguette de la cheffe est une lame tranchante et mate. C’est une lecture unilatérale et très instrumentale qui avance inexorablement tel un souffle dramatique étouffant. Pas de temps pour des répits ou un fignolage instrumental, cette battue est assez brute et monolithique. Du côté de la distribution, c’est naturellement Asmik Grigorian qui brûle les planches par un engagement scénique total et une formidable aisance vocale magnifiée par un timbre sublime. On admire également Eric Cutler, Erik fin et sensible à la voix pure. On reste plus réservés sur le Hollandais de John Lundgren, certes imposant scéniquement, mais peu convaincant vocalement. Le très expérimenté Georg Zeppenfeld est un Daland parfait mais un peu lisse tout comme Attilio Glaser en Timonier.  Mention d'excellence pour les choeurs préparés par Eberhard Friedrich.   

La réalisation est parfaite et l’image est superbe, en particulier sur l’édition en Blu-Ray ! Cette parution est, malgré les réserves émises, très intéressante pour celles et ceux qui aiment cette œuvre et suivent le Festival de Bayreuth avec passion. Le meilleur Vaisseau Fantôme en vidéo est également chez DGG avec la production zurichoise dirigée avec maestria par Alain Altinoglu et avec Bryn Terfel en Hollandais. 

Note globale : 8 

Pierre-Jean Tribot

  

 

 

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