Berlioz à Cleveland
Hector Berlioz (1803-1896) : Symphonie fantastique. The Cleveland Orchestra, direction ; Franz Welser-Möst. 2024. 50’19’’. 1 album digital Cleveland Orchestra.
Avec cet album purement digital, le Cleveland Orchestra clôt les célébrations du centenaire d’histoire au disque. En effet, le premier enregistrement de l’orchestre, l’ouverture 1812 de Tchaïkovski sous la direction de premier directeur musical Nikolaï Sokoloff avait été commercialisé en 1924. Depuis, le Cleveland Orchestra s’est imposé comme l’une des plus grandes phalanges, porté par la gloire de ses enregistrements sous la baguette de ses directeurs musicaux : Artur Rodziński, Erich Leinsdorf, George Szell, Lorin Maazel, Christoph von Dohnányi, Franz Welser-Möst ou sous la direction d”un compagnon de route comme Pierre Boulez.
Même si l’on associe pas la Symphonie fantastique à sa discographie, le Cleveland s’est déjà illustrée à 5 reprises avec Artur Rodziński, Lorin Maazel (2 fois pour CBS et Telarc) , Christoph von Dohnányi, Pierre Boulez, et désormais Franz Welser-Möst pour ce sixième témoignage. De même, on n'associe pas le chef autrichien Franz Welser-Möst, viennois et cérébral, à l’univers tourmenté et passionné de Berlioz. Dès lors, sa Fantastique est évidemment très intellectuelle et foncièrement orchestrale. L’orchestration et les lignes mélodiques sont passées au scanner de cette direction radiographique mais jamais froide. Le matériau orchestral est radiographié avec une belle gestion des gradations et des nuances, ainsi la "Scène aux champs", souvent tunnel des enregistrements, s'affirme poétique et équilibrée. On sent la machine orchestre puissante et le chef garde bien le contrôle sans se faire démonter par les cylindrées de sa monture, mais le dernier mouvement “Songe d'une Nuit du Sabbat” se clôt avec le cataclysme instrumental attendu. Les tempi sont assez allants, évitant un ennui rédhibitoire dans ce type d'approche (le défaut des lectures de Lorin Maazel).
Dès lors, une lecture pourra rebuter ceux qui aiment les passions d”un Charles Munch, l’énergie d”un Pierre Monteux, ou l’acuité d’un François-Xavier Roth. Mais cette interprétation mérite une attention et une oreille. Notons que ce type d'approche intellectuel est la marque de fabrique de l'orchestre au fil de ses gravures mais Franz Welser-Möst s'y montre convaicant, bien plus que Maazel et von Dohnányi, mais moins révolutionnaire que Pierre Boulez.
Note globale : 8
Pierre-Jean Tribot