Berlioz, Sir Colin Davis et le LSO : un trio au sommet !
Hector Berlioz (1803-1869) : Symphonie fantastique, Op. 14, H 48 – Roméo et Juliette, Op. 17, H 79 – La damnation de Faust, Op. 24, H 111 – Les Troyens, Op. 29, H 133 – Béatrice et Bénédict, Op. 27, H 138 – Harold en Italie, Op. 16, H 68 – Benvenuto Cellini, Op 23, H 76 – L’enfance du Christ, Op. 25, H 130 – Les francs-juges, Op 3, H 23, Ouverture – Te Deum, Op. 22, H 118 – Grande Messe des morts, Op. 5, H 75. Sir Colin Davis, direction – London Symphony Orchestra. 2019-DSD/SACD-Coffret de 16 CD-textes de présentation en anglais, allemand et français- LSO0827
Après Debussy dont on fêtait en 2018 les 100 ans de la disparition, c’est au tour de Berlioz de bénéficier d’un tel traitement, permettant ainsi d’établir des intégrales inédites ou des coffrets d’une couleur plus personnelle. C’est justement ce que le London Symphony Orchestra (LSO) propose en 2019 pour célébrer les 150 ans de la disparition du compositeur de la Symphonie fantastique. Autant dire que depuis quelques mois, la part belle est faite à la musique française, citons par exemple les travaux exceptionnels réalisés par Ravel Edition sur le Boléro. Berlioz n’est ni Ravel ni Debussy, mais il a tout autant influencé le paysage artistique et musical à son époque. Sans Berlioz, la fin 19e aurait-elle rayonné de la même manière ? Souvent critiqué et négligé en France de son vivant, Berlioz a un parcours atypique. Né en 1803, il étudie d’abord la médecine avant de se consacrer entièrement à la musique. Prix de Rome en 1830, il avait intègré le Conservatoire de Paris quatre ans plus tôt. Si Berlioz compose, et c’est cela qui est célébré ici, son goût l’a également mené à l’écriture. Y a-t-il plus grand régal que de lire ses Mémoires où l’on découvre un homme profondément amoureux mais aussi doté d’un esprit complexe et parfois (souvent !) excessif ? Lire sa correspondance relève aussi du plaisir surtout lorsque sa verve se veut délibérément piquante. Ainsi, découvrir ce que Berlioz pense d’un illustre collègue à travers ses critiques révèle un esprit téméraire et bouillonnant, influencé par Beethoven, Shakespeare et tant d’autres. Quant à ce coffret, il ne s’agit nullement d’une intégrale de l’œuvre mais bien d’une intégrale des enregistrements réalisés par le grandissime Sir Colin Davis à qui la musique de Berlioz doit tant.
On connaît Berlioz essentiellement par à sa Symphonie fantastique et d’autres ouvrages régulièrement joués : La Damnation de Faust ou encore Harold en Italie. Pourtant, faut-il citer ces ouvrages d’une rare beauté que sont Benvenuto Cellini, la Grande Messe des Morts, Les Troyens… ? Grâce à ce coffret, le voile est levé, le tout dans des interprétations magistrales.
Sir Colin Davis a dirigé le LSO dès 1995 avant d’en devenir le président de 2006 à 2013, année de sa mort. C’est dans des œuvres de Berlioz, Dvorak, Elgar, Macmillan, Sibelius… que sa baguette excellait. Les enregistrements proposés ici sont bien connus des mélomanes. Peut-on d’ailleurs confirmer ici leur classement en tant que référence ? L’orchestre de Sir Colin Davis sonne d’une seule voix tant Berlioz et l’ensemble ne font qu’un. La direction est précise, dynamique, innovante.
Les couleurs ne manquent pas, les accents sont de mise avec de nombreuses surprises ici et là. En plus d’exceller dans le symphonique, le chef démontre ici sa maîtrise des masses vocales tant lorsqu’il s’agit des chœurs massifs que dans les pages solistes. Soulignons aussi la finesse de l’accompagnement de chaque intervenant soliste. Non, il n’y a pas grand-chose à dire ici, si ce n’est le plaisir procuré par l’écoute de ce répertoire si justement restitué par des forces artistiques pionnières dans ce domaine. Les chocs et contrastes que l’on peut retrouver chez Shakespeare, bien connus des Anglais et que Berlioz admirait, sont sublimés et nous encouragent -grâce aussi aux textes fouillés de David Cairns- à explorer davantage ce répertoire.
Ayrton Desimpelaere
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10