Carmargo Guarnieri, une autre face du Brésil musical 

par

Carmago Guarnieri (1907-1993) : Seresta pour piano et orchestre; Choro pour basson et orchestre de chambre ; Choro pour flûte et orchestre de chambre ; Choro pour violon et orchestre. Olga Kopylova, piano ; Alexandre Silverio, basson ; Claudia Nascimento, flûte ; Davi Graton, violon. São Paulo Symphony Orchestra (OSEP), Isaac Karabtchevsky. 2019. Livret en anglais et portugais. 58’11. 8.574197. 

Le Brésil musical du XXe siècle, ce n’est pas qu’Heitor Villa-Lobos ! Il faut dire que la figure et l’oeuvre  de l’Indien blanc ont tendance, par leur notoriété internationale, a faire de l’ombre aux autres grands musiciens de ce pays. S’il a pas la portée universalité de celle de son confrère, la musique de son contemporain Camargo Guarnieri mérite une oreille des plus attentives, d’autant plus quand elle est si bien servie par ses interprètes. 

Dans l’interview qu’il nous a accordé, le chef d’orchestre  Isaac Karabtchevsky, cheville ouvrière de ce projet notait : “ travail de Guarnieri est plus conceptuel. Il est dans la démarche d’un Bartók ou de l’école balkanique. La construction de ses œuvres est fondée sur une vision plus analytique et plus marquée sur les éléments constructifs. Le folklore, comme les choros présentés sur ce disque, est une toile de fond au service de la forme”. En effet, le travail de Guarnieri ne vise pas à embrasser le Brésil musical dans une transe orchestrale portée par un respect des formes musicales classiques, mais il est plus intellectuel avec un modernisme qui se sert  d’une architecture formelle inspirée du Brésil musical à laquelle s'additionnent des rythmes traditionnels cités d’une manière plus cérébrales que sensorielle.  

Guarnieri, proche des milieux modernistes et militant d’une idée d’un Brésil artistique tirant ses forces des spécificités locales, applique scrupuleusement ces préceptes. Son Seresta pour piano et orchestre, convoque certes le piano soliste mais aussi un instrumentarium limités à une harpe, un xylophone, des timbales et aux cordes. En trois mouvements titrés d’après des terminologies brésiliennes ‘decidido”, “sorumbático” et “gingando”, la partition se veut dansantes et tranchantes dans un modernisme virtuose presque stravinskien dans son élan.  

Changement d’ambiance avec trois des Choros pour instruments solistes et orchestre. On aime le mouvement parfois néo-classissant allié à une belle clarté mélodique dans les partitions pour flûte et basson.  Le Choro pour violon et orchestre (1951) est la plus ancienne des partitions présentées sur cet album. En trois mouvements, cette courte pièce, présente une alternance de beaux climats alors que la partie soliste explore les potentialités expressives de l’instrument. Cette oeuvre assez inclassable culmine dans un “allegro ritmando” final gorgé de couleurs et d’énergies qu’un Béla Bartók n’aurait pas renié.  

Les différents solistes convoqués sont tous issus des rangs du São Paulo Symphony Orchestra (OSEP), y compris la pianiste Olga Kopylova, née en Ouzbekistan et formée à Moscou, qui se produit régulièrement dans les séries de concerts de l’OSEP. Conscients de la portée patrimoniale et historique de cette aventure discographique, l’Orchestre pauliste est concentré et appliqué sous la baguette d’Isaac Karabtchevsky. 

Dès lors, cet album qui sort des sentiers battus nous plonge avec passion vers une autre face de la musique brésilienne. 

Son : 9  Livret : 9  Répertoire : 9  Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

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