Carte de visite pour le nouvel orgue de la Basilique de la Montagne Sacrée
Musica Sacromontana. Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525-1594) : Ricercar del settimo tuono ; Ricercar in re ; Ricercar in sol ; Ricercar no 6. Francisco Soto de Langa (1539-1619) : Tiento 23 del sexto Tuono. Thomas Ludovico da Vittoria (1545-1611) : Ricercar in sol. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Fugue en sol mineur KV 401 ; Fugue en sol mineur KVanh. 41. Jan Křtitel Vaňhal (1739-1813) : Preambulum en ut majeur ; Fugue en ut majeur ; Fugue en ré majeur. Ferdinando Gasparo Bertoni (1725-1813) : Sinfonia per organo en ré majeur. Alfons Szczerbinski (1858-1895) : Fugue en la majeur ; Fugue en ré mineur. Julian Gembalski (1950*) : Wariacje chorałowe Witaj Gostyńska Matko Różańcowa ; Fantazja na temat pieśni Józefa Zeidlera Modlitwa o deszcz (improwizacja). Julian Gembalski, orgue. Livret en polonais et anglais. Septembre 2020. TT 67’06. Dux 1774
Cap à Gostyń, vers la Święta Góra. À une soixantaine de kilomètres au sud de Poznań se dresse la basilique de la Montagne Sacrée, un important sanctuaire marial, rattaché à la Confédération des oratoriens de Saint Philippe Néri. Plusieurs orgues se succédèrent dans cette église : le nouvel instrument que nous entendons a été construit dans le buffet historique en 2016-2017 par Marek Cepka, selon les préconisations de Julian Gembalski. Les vingt-cinq jeux relèvent d’une esthétique sonore baroque/classique.
Élégamment présenté (un digipack glissé dans un étui), le présent album peut s’entendre comme une démonstration des capacités de cette console. Quel trousseau pour ce baptême ? Les collections musicales de la Basilique ne conservent aucune œuvre pour les tuyaux, toutefois le disque invite des compositeurs qui lui sont diversement associés, et investigue un large répertoire. Déroulé selon un ordre chronologique, le programme nous emmène de la Renaissance de Palestrina jusqu’à la période contemporaine, moyennant une ornière de presque deux siècles qui éclipse bizarrement l’époque baroque : après le Tiento (d’ailleurs de facture assez archaïsante) du prêtre Francisco Soto de Langa né en 1539, et le Ricercar de Vittoria, on passe aux deux Fugues de Mozart (le KV 401 date de c1782). Quelques pages de Vaňhal pour la liturgie des Complies figurent dans les archives de la Basilique, justifiant que le Bohémien apparaisse ici au gré de trois pièces puisées à ses deux recueils d’orgue, publiés à Vienne au tout début du XVIIIe siècle : une polyphonie plutôt rhétorique, mais bien troussée (le fougueux Praembulum).
Dans les fonds de la Basilique, la présence d’un Salve Regina de Bertoni (connu pour sa cinquantaine d’opéras) prétexterait-elle qu’on invite cette roucoulante Sinfonia, d’un charme qui se situe entre galanterie et buffo ? Bien plus légitime, du moins représentatif du patrimoine local, Alfons Szczerbinski est originaire de Gostyń, même s’il étudia dans le Berlin romantique. C’est certainement là qu’il écrivit ses chorals et épreuves de contrepoint, récemment redécouverts dans les manuscrits de la Montagne Sacrée. Leur état parfois fragmentaire a mené le professeur Julian Gembalski à compléter la Fugue en ré mineur, superbe de recueillement et de gravité.
L’anthologie culmine sur deux créations de l’interprète, fondateur du Musée des orgues de Silésie. Elles s’entendent comme un double hommage : à la Vierge patronne du lieu, et à Josef Zajdler dévoué pendant trois décennies à l’activité musicale du sanctuaire. Les variations sur Salut, Mère du Rosaire de Gostyń cultivent des recettes de partita néoclassiques. L’improvisation sur une prière de Josef Zajdler traduit une invention qui elle-aussi déploie la magnifique palette de registration de cet orgue polonais. Particulièrement avenants, ces deux exercices de style occupent un tiers de la durée du CD, qui depuis les rigueurs palestriniennes se sera progressivement émancipé vers cette éloquence désinhibée.
Christophe Steyne
Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 7-9 – Interprétation : 9,5