Cécile Ousset, un portrait en toute objectivité 

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Cécile Ousset. The Complete Warner Recordings. Cécile Ousset, piano. City of Birmingham Symphony Orchestra, Sir Simon Rattle ; Bournemouth Symphony Orchestra, Rudolf Barshai ; London Symphony Orchestra, Sir Neville Marriner ; Philharmonia Orchestra, Günther Herbig ; London Philharmonic Orchesta, Kurt Masur.  1982-1990. Livret en anglais et français. 1 coffret de 16 CD. Warner Classics. 01900296436246.

Warner rend hommage à la pianiste Cécile Ousset à travers un beau coffret qui reprend la totalité de ses enregistrements pour EMI et dont les pochettes reprennent les visuels des LP d'origine.  

Cécile Ousset (née en 1936), c’est un parcours musical exceptionnel. Enfant prodige, elle donne son premier concert à l’âge de cinq ans et obtient son premier prix du Conservatoire de Paris à seulement 14 ans. S’ensuit un brillant parcours dans des grands concours internationaux : le Long-Thibaud à Paris, les concours Busoni et Van Cliburn. A Bruxelles, elle termine quatrième du Reine Elisabeth 1956, lors d’un cru exceptionnel avec en finale :  John Browning, Lazar Berman, Tamás Vásáry, Peter Frankl et Vladimir Ashkenazy qui remporta cette édition. 

La notice de présentation de ce coffret nous rappelle que malgré ce parcours exceptionnel, l’artiste eut du mal à être reconnue à la hauteur de son immense talent en dépit du soutien d’Arthur Rubinstein. Au début des années 1970, elle signe quelques disques chez Eterna, le label officiel de la RDA dont un phénoménal Concerto pour piano n°2 de Brahms avec Kurt Masur au pupitre du Gewandhaus de Leipzig, enregistrement qui glane un Grand Prix de l’Académie Charles Cros. Elle signe ensuite un contrat avec Decca France avant de faire partie de l’équipe d’EMI, label auquel elle sera fidèle tout au long des années 1980. Le présent coffret documente ce legs qui associe la musique française au grand répertoire de Chopin à Liszt en parcourant les grands concertos du répertoire. 

Ce qui frappe à l’écoute de ce coffret, c’est la virtuosité basée sur une approche plutôt  objective des œuvres. Un ton qui plaît aux Anglo-Saxons mais qui s’avère assez éloigné d’un goût français qui privilégie à outrance la narration d’où le dédain voir le scandaleux mépris auquel la musicienne fait toujours face en France où tant de commentateurs se plaisent à faire la moue dédaigneuse quand on prononce son nom.  

Dans la musique française, l’approche de la pianiste est idoine au niveau du style et des couleurs. Debussy et Ravel sont miroitants et son album de musique française qui mixe Ravel, Saint-Saens, Fauré, Chabrier et Satie est une merveille. On aime particulièrement les deux concertos de Ravel dirigés avec maestria par le jeune Simon Rattle au pupitre de son CBSO, un Gaspard de la nuit  d'ombres et de lumières, des Images de Debussy en équilibre et en nuances ou cette intégrale des Préludes de Debussy, sorte de modèle dans l’approche des contrastes et de la palette de couleurs, c’est précis sans jamais être sec, c'est léger et profond à la fois.  

Avec Liszt et Chopin, tout est dans la solidité de la construction, une approche très architecturale mais au service de la virtuosité de l’écriture et du génie de ces compositeurs. La Sonate en si mineur de Liszt est ainsi un modèle de gestion narrative et d'équilibre des lignes mélodiques. Chopin est quant à lui cerné par une vision racée et conquérante avec une Sonate n°3 magistrale. 

Les albums de concertos sont intéressants et il faut foncièrement écouter et réécouter ces disques pour appréhender la logique interprétative. Certes, on a connu des Concerto n°1 de Tchaïkovski ou un Concerto n°3 de Prokofiev plus électriques et virtuoses, mais l’approche est ici creusée au diapason de chefs attentifs à servir le meilleur écrin possible à la soliste. Le Concerto n°3 de Prokofiev avec l’excellent Bournemouth Symphony Orchestra sous la direction de Rudolf Barshaï dégage une force dramatique par le sens, le ton acide et sarcastique. Accompagnée de Simon Rattle, la pianiste parvient à évacuer tout pathos gratuit du Concerto n°1 de Franz Liszt et du Concerto n°2 de Rachmaninoff. Si l’on émet des réserves sur un Concerto pour piano de Poulenc un peu trop épais et un Rach 3 trop hétérogène, aime admirer les teintes irisées du Concerto de Grieg avec Sir Neville Marriner au pupitre du London Symphony Orchestra.   

Dès lors, il faut écouter ce beau coffret pour le fidèle portrait d’une interprète majeure. 

Son : 8 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

 

 

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