Compositrices du XIXe siècle : Angélique-Dorothée-Louise Grétry, dite Lucile

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L’homme fera-t-il sa servante de sa compagne ? Se privera-t-il auprès d’elle du plus grand charme de la société ? Pour mieux l’asservir l’empêchera-t-il de rien sentir, de rien connaître ? En fera-t-il un véritable automate ? Non, sans doute ; ainsi ne l’a pas dit la nature, qui donne aux femmes un esprit si agréable et si délié ; au contraire, elle veut qu’elles pensent, qu’elles jugent, qu’elles aiment, qu’elles connaissent, qu’elles cultivent leur esprit comme leur figure. C’est ce que publie Jean-Jacques Rousseau (1712-1776) à propos de l’éducation des femmes dans Emile ou De l’éducation en 1762. 

Le destin de Lucile Grétry est exceptionnel à bien des égards : elle est une française, fille d’un musicien né en Principauté de Liège, c’est une enfant prodige et une compositrice d’opérettes dont la première œuvre jouée à la Comédie-Italienne de Paris a connu un immense succès et dont la seconde a essuyé un échec sévère. Après un mariage malheureux, elle décède à l’aurore de sa vie, à 17 ans.

Quel est le destin de cette jeune fille dont le critique Arsène Houssaye (1814-1896), administrateur de la Comédie-Française, a écrit : Sans la mort qui vint la prendre à seize ans (sic), comme sa sœur, le plus grand musicien du XVIIIe siècle serait peut-être une femme. Mais le rameau, à peine vert, cassa à l’heure où le pauvre oiseau commença sa chanson.

Lucile Grétry est née à Paris le 15 juillet 1772. Elle est la deuxième fille d’André Ernest Modeste Grétry et de sa femme Jeanne-Marie Grandon (1746-1807). Son prénom de naissance est Angélique-Dorothée-Louise mais on l’appelle Lucile, d’après l’héroïne d’un des premiers succès de son père à la Comédie-Italienne. Lucile (5 janvier 1769) est un opéra-comique, comédie en un acte où alternent des récitatifs parlés et de gracieuses ariettes dont le livret est de Jean-François Marmontel (1723-1799). C’est dans cette œuvre qu’un quatuor vocal de la scène 4 entonne la bien connue Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille dont les mesures d’ouverture ont servi de musique de début et de fin des programmes à la RTBF pendant des années. 

Sa famille

Dans le courant de 1769, André Modeste Grétry rencontre à Paris la jeune Lyonnaise Jeanne-Marie Grandon, la fille du peintre Jacques-Irénée Grandon, dont la mère s’oppose tout d’abord au mariage, la situation financière du fiancé étant alors précaire. En juillet 1771, Grétry l’épouse enfin, quelques mois après la naissance de leur première fille, Andriette Marie Jeanne, dite Jenny (1770-1786).

Jeanne-Marie Grandon (1746-1807) est issue d’une famille d’artistes et l’aînée des cinq enfants de Jacques-Irénée Grandon (1723-1763) et Benoîte Toupet. Elle suit les traces de son père et devient miniaturiste, pastelliste et peintre. Un pastel de ses trois filles ornait une des pièces de leur résidence l’Ermitage de Montmorency, près de Paris.

Lucile a deux sœurs.

Andriette Marie Jeanne Grétry, dite Jenny, est née en 1770 et décédée en 1786. Son père écrit : Je disais souvent à mes amis : voilà mon bâton de vieillesse. Comme Antigone, elle conduira son père au soleil sur le déclin de sa vie.

A 16 ans, la nature n’a pas eu en elle assez de force pour se développer. A 16 ans, elle s’endormit sur mes genoux, aussi belle que pendant sa vie.
Son autre sœur se prénomme Charlotte Antoinette Philippine, dite Antoinette (1775-1790), et sa marraine serait la Dauphine Marie-Antoinette. 

Son époux, Pierre Marin de Champcourt, est le fils unique de François-Louis-Claude Marini dit Marin, une figure littéraire importante, un censeur royal proche d’André Grétry. 

Son père, André-Ernest-Modeste Grétry (Liège, 08/02/1741-Montmorency, 24/09/1813) est une remarquable personnalité qui a apporté de la légèreté et de la fantaisie au répertoire de l’opéra en France au XVIIIe siècle. 

Sa formation est très variée. A la suite d’un accident, il passe deux années heureuses de sa petite enfance à la campagne, chez sa grand-mère Marie Jeanne Grétry Desfossez (1715-1801). Quand il a 6 ans, son père, premier violon à la Collégiale Saint-Denis de Liège, l’envoie chanter dans le chœur. L’ambiance y est détestable, écrit-il dans ses mémoires. Il arrête un temps et prend des cours de clavecin, d’orgue, d’harmonie et de contrepoint. Pendant toute l’année 1753, une troupe d’artistes italiens enchante la cité avec un répertoire où figure, entre autres, Pergolèse. André a ses entrées à l’orchestre et ne rate ni les répétitions, ni les représentations, grâce à son père qui le présente à nouveau au chœur. Et c’est le succès. Il anime messes et concerts privés jusqu’à sa mue et un problème vocal. Son envie de composer devient irrésistible et il compose six symphonies et une messe avant son départ pour Rome (1759) où une bourse d’étude lui permet de passer plusieurs années au Collège liégeois fondé par le mécène Liégeois Lambert Darchis pour les étudiants en arts et en médecine originaires de la ville. Il s’y rend à pied, reprend ses études de composition auprès de Giovanni Battista Casali (1715-1792) et profite de toutes les occasions d’écouter de la musique, une culture très répandue en Italie. Fidèle à la leçon de ses modèles italiens, il adapte cet art riche et spontané à la langue française dans une démarche préromantique, servi par son imagination féconde et son humour délicat. 

Au retour vers Liège, il s’arrête à Genève et y travaille. Son premier opéra-comique, Isabelle et Gertrude, comédie en un acte mêlée d’ariettes, est créé en 1766. Le livret de Charles-Simon Favart s’inspire de Voltaire. Le philosophe de 72 ans se lie alors d’amitié avec le jeune Grétry et lui suggère d’aller plutôt briller à Paris où il arrive en 1767. Il y sera adulé sous l’Ancien Régime, respecté pendant la révolution française et décoré par Napoléon Bonaparte. 

A Paris, la musique et les ballets tiennent une place importante. Le théâtre est alors une sorte de vaste salon où l’on cause beaucoup, où l’on se livre bataille pour des idées, des doctrines littéraires, poétiques, musicales, dramatiques. Trois partis y rivalisent : celui de l’opéra français avec Lully et Rameau, celui de la musique italienne avec Puccini, et celui de Christoph Willibald Gluck, l’ancien professeur de Marie-Antoinette en Autriche qui prétend avoir trouvé la musique la plus propre à l’action théâtrale.
A côté des salons privés, dont ceux de Marie-Antoinette et d’Elisabeth Vigée Le Brun, les grands théâtres parisiens sont l’Académie Royale de Musique ou Opéra, la Comédie-Italienne et la Comédie-Française. 

Grétry fait la connaissance du philosophe, essayiste et académicien Jean-François Marmontel (1723-1799) qu’il choisit un temps comme librettiste. Celui-ci transforme L’Ingénu de Voltaire en un livret d’opéra-comique, Le Huron. Créé le 20 août 1768, le succès est retentissant et lance la carrière de Grétry. 

Marie-Antoinette tombe sous le charme de sa musique en 1770, lors d’une représentation de Sylvain dont le librettiste est aussi Marmontel. Nommé Maître de clavecin de la Reine puis Directeur de sa Musique particulière, Grétry est pensionné par le Roi suite à Zémire et Azor et sa famille est intégrée à la Cour. 

La salle Favart, devenue Opéra-Comique National, est inaugurée le 28 avril 1783 par Marie-Antoinette avec, au programme, des œuvres d’André Grétry qui connaîtra un grand succès sous l’Ancien Régime. La dernière pièce entendue à Versailles le 1er septembre 1789, à l’entrée du Roi et de la Reine dans l’Opéra Royal, est tirée de Richard cœur de Lion : « Ô Richard, ô mon roi, l’univers t’abandonne. » Ce sera le signe de ralliement des monarchistes.
Grétry produit quelques œuvres pendant la tourmente révolutionnaire et reprend de plus belle jusqu’en 1803.

André Modeste Grétry est apprécié par Napoléon. Un air tiré de la Caravane du Caire, opéra-ballet en trois actes sur un livret d’Etienne Morel de Chédeville (1751-1814), et adapté par David Bühl, deviendra une sonnerie de cavalerie très populaire au sein de la Grande Armée : La Victoire est à nous retentira sur les champs de bataille de l’Empire, notamment lors de l’entrée à Moscou le 14 septembre 1812. 

La Victoire est à nous

Saint-Phar, par son courage,

De la mort, du pillage

Nous a préservés tous

...

Napoléon Ier le fait Chevalier de la Légion d'honneur le 19 mai 1802. Il est même représenté dans le tableau Le sacre de Napoléon Ier (2 décembre 1804) de Jacques Louis David. 

Grétry est l'un des inspecteurs de l'enseignement et des exécutions publiques du Conservatoire de Musique. Couvert de gloire, il est nommé à l'Académie en 1795. Avec plusieurs librettistes, il a composé jusqu'en 1803 une quinzaine d'opéras et plus de quarante opéras-comiques. Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, il est le maître du genre en France. Mais sa carrière est altérée pour toujours après la mort de ses 3 filles, toutes décédées avant leurs 18 ans, les deux dernières en 1790. Il compose moins et se tourne vers des écrits philosophiques. En 1798, il se retire dans l'ancienne résidence de Jean-Jacques Rousseau à Montmorency et il écrit beaucoup : ses Mémoires ou essais sur la Musique, De la vérité, ce que nous fûmes, ce que nous  sommes, ce que nous devons être, Réflexions d’un solitaire… C’est là qu’il s’éteint le 24 novembre 1813.
Il est honoré en Belgique où se trouve son cœur, aussi bien qu’en France où il eut droit à des funérailles nationales. Une foule évaluée à plus de 30 000 personnes suivit le cortège funèbre jusqu’au Père Lachaise. Son buste, commandé par Charles Garnier, orne la façade est de l’Opéra Garnier.

La carrière de Lucile Grétry

Quand sa fille montre les premiers signes de son talent musical, son père veille à sa formation. Il la confie aussi à quelques maîtres talentueux dont Jean-François Tapray (1738/39-après 1798).

Depuis le début des années 1770, quand il commence à enseigner avec succès la composition d’opéra au jeune François-Joseph Darcis alors âgé de 10 ans (1759/60-ca. 1783), André Modeste Grétry est reconnu pour la direction d’enfants prodiges. Après Darcis qui compose son premier opéra-comique à 12 ans et le fait jouer à Versailles et à la Comédie-Italienne, il se tourne vers la formation de jeunes filles, intimement convaincu par la lecture d’écrits de Jean-Jacques Rousseau que leur nature pure et innocente donnerait naissance à un style naturellement mélodieux qui n’est pas atteignable par les hommes. 

En fait, des quatre élèves à qui il apprit la composition dans sa carrière, trois étaient des filles : Caroline Wuïet (1766-1835), Alexandrine Sophie Goury de Champgrand, Baronne de Bawr (1773-1860), et sa propre fille Lucile. Toutes trois devinrent des compositrices qui ont porté leurs opéras avec succès sur les planches parisiennes. Dans son autobiographie et ses écrits philosophiques, Grétry aborde le sujet des femmes, leur caractère, leur éducation et leurs possibilités artistiques. Le librettiste Nicolas Bouilly (1763-1842) a même déclaré que Grétry n’a jamais écrit une seule phrase musicale de ses nombreux chefs d’œuvre sans la jouer à sa fille Lucile

Lucile a été introduite très tôt à la Cour où son père occupait la position élevée de Compositeur de la Cour, et ses talents musicaux précoces ont capté l’attention de Marie-Antoinette. En 1786, à l’âge de 13 ans, on lui propose d’écrire la musique pour Le Mariage d’Antonio, une aimable suite au Richard Cœur de Lion (1784) de son père dont la première a eu lieu récemment. Le livret est de Madame de Beaunoir, pseudonyme attribué à Alexandre-Louis Robineau. La même année, Caroline Wuïet a l’opportunité d’écrire une suite à Epreuve villageoise de Grétry (1784), dans l’espoir qu’elle constitue un tremplin pour sa carrière de compositrice d’opéras.

L’opéra-comique Le Mariage d’Antonio est représenté à la Comédie-Italienne le 29 juillet 1786, 14 jours après le 14e anniversaire de la jeune Lucile : c’est un divertissement en un acte et en prose, mêlé d’ariettes, qui sera représenté 47 fois entre 1786 et 1791.

Ce jour-là, son père écrit au Journal de Paris :

MESSIEURS,

Prétendre garder l’anonyme en donnant une pièce de théâtre, m’a toujours paru une inconséquence… J’ai donc l’honneur de vous annoncer que la petite pièce en un acte, intitulée le Mariage d’Antonio, qu’on donne aujourd’hui aux Italiens, a été mise en musique par une de mes filles âgée de 13 ans. Mais comme je ne veux point altérer la candeur de son âge, en excitant en elle une présomption mensongère, je dois dire qu’ayant elle-même composé tous les chants avec leur basse et un léger accompagnement de harpe, j’ai écrit la partition qu’elle n’était pas en état de faire. Les morceaux d’ensemble ont été rectifiés par moi ; cette composition exigeant une connaissance du théâtre que je serais bien fâché qu’elle eût acquise. Si ses chants sont quelques fois déclamés avec vérité, cela provient sans doute de la manière dont je l’instruis, et qu’il n’est pas inutile, peut-être, de faire connaître.  Lorsqu’elle m’apporte un morceau que je juge n’être pas saisi musicalement dans le sens des paroles, je ne lui dis pas : votre chant est mauvais ; mais Voici, lui dis-je, ce que vous avez exprimé. Alors je chante son air sur des paroles que j’y crois analogues, et je donne une vérité d’expression à ce qui n’était que vague ou à contre-sens.

Cette méthode d’éducation m’a paru la meilleure, car pourquoi rejeter comme mauvais, ce qui, en certains cas, aurait pu être bon ? En se perfectionnant dans l’art des modulations avec un excellent maître, Tapray ; en apprenant avec moi l’art d’écrire le contre-point, je ne juge pas inutile de l’accoutumer à se servir de l’expression juste. Cette habitude doit être prise de bonne heure, car le langage musical, énigmatique pour bien de gens, est en effet aussi varié que la déclamation : je lui enseigne des vérités dont je suis persuadé… 

Je dis à ma fille ce que je voudrais faire moi-même.

C’est à titre d’encouragement que je lui ai permis cet essai ; mais le public seul peut lui permettre de continuer. C’est à lui d’encourager un sexe qui, né pour démêler peut-être mieux que nous les nuances du sentiment et les finesses de la comédie, pourrait trouver à la fois la gloire et l’aisance honnête, dont les chemins lui sont partout fermés. La peinture se glorifie des talents supérieurs de madame Vigée Le Brun et de madame Guiard ; pourquoi la musique n’aurait-elle pas un jour des maîtres du même sexe, dans l’art de nous charmer par des compositions musicales ?

Malgré cela, des générations de critiques ont suspecté que la plupart de sa musique, si pas toute, soit de la main de Grétry lui-même, sans prendre en compte l’esthétique de la musique française de l’époque valorisant le génie « naturel » et « intact » qui se reflète dans les écrits de Grétry et de son modèle en ces matières, Jean-Jacques Rousseau. Grétry préfère les mélodies naïves aux harmonies sophistiquées et aux riches accompagnements.

Lucile Grétry a composé seule, la même année, la musique d’un second opéra-comique, le divertissement en prose Toinette et Louis d’après un livret de Joseph Patrat (1732-1801), dont la première a été donnée à la Comédie-Italienne le 22 mars 1787 lors d’une soirée consacrée aux œuvres de la famille Grétry. Elle était couplée avec Le Mariage d’Antonio et Le Tableau parlant d’André Grétry. Toinette et Louis n’eut droit qu’à une représentation, ce qui fut considéré comme un échec, mais le dernier couplet fut redemandé.

Les critiques portent sur le texte de Monsieur Patrat :

Ce divertissement est une bagatelle : il paraît que l’auteur, monsieur Patrat n’y a mis d’autre prétention que celle de présenter des motifs de chant à la jeune virtuose pour laquelle il a travaillé ; ainsi nous ne le jugerons pas avec sévérité. Nous lui reprocherons seulement d’avoir jeté, dans quelques scènes, des plaisanteries très graveleuses. Outre que ce moyen d’exciter la gaieté n’est pas le plus heureux, il est ici très déplacé : l’âge et le sexe du compositeur auraient dû rappeler à l’auteur ces mots de Juvénal : Maxima debetur puero reventia. 

La musique a fait beaucoup de plaisir ; elle annonce le talent de Mademoiselle Grétry avec plus d’avantage encore que celle du Mariage d’Antonio. Le public a témoigné sa satisfaction en faisant répéter ce couplet, qu’on peut regarder comme un horoscope, dont le célèbre instituteur de Mademoiselle Grétry ne peut que hâter l’accomplissement.

Jeunes rosiers, jeunes talents

Ont besoin du secours du maître

Un petit auteur de treize ans 

Est un rosier qui vient de naître ;

Il n’offre qu’un bouton nouveau.

Si vous voulez des fleurs écloses,

Daignez étayer l’arbrisseau,

Quelque jour vous aurez des roses.

D’autres commentaires, concernant la musique, sont très positifs :

Mademoiselle Grétry a confirmé, par les chants agréables dont elle a semé cet ouvrage, les espérances qu'elle avait données dans le Mariage d'Antonio. On y a même remarqué des progrès qui en promettent encore de nouveaux. (Levacher de Charnois, Costumes [et Annales] des grands théâtres de Paris, 1786, XLIV).

Ce compositeur est Mademoiselle Grétry qui fait des progrès étonnants dans son Art, à en juger par cette nouvelle production où il y a encore plus de grâce, de fraîcheur et d’agréments que dans la musique du Mariage d’Antonio. (Antoine d’Origny, Annales du Théâtre Italien.)

André Modeste Grétry a attribué l’échec de l’œuvre de sa fille à son récent mariage malheureux avec Pierre Marin de Champcourt qui semble l’avoir traitée cruellement. Arsène Houssaye est très critique envers cet homme : Elle se laissa marier à un de ces artistes de la pire espèce, qui n’ont ni la religion de l’art, ni le feu du génie, et qui partant n’ont point de cœur, car le cœur est le foyer du génie. 

Lucile ne compose plus d’opéra après Toinette et Louis dont la partition est perdue. Et on n’a retrouvé aucune trace d’autres compositions.

On ne sait presque rien d’elle entre l’échec de son opéra et son décès de la tuberculose trois ans plus tard, à l’âge de 17 ans. Elle était la seconde fille de la famille à succomber à cette maladie, après sa sœur aînée Jenny durant l’hiver 1786-1787 à l’âge de 16 ans. Et Antoinette, la cadette, décèdera six mois après Lucile, à l’âge de 16 ans elle aussi. 

Plus d’une centaine de musiciens ont escorté la dépouille de Lucile à travers les rues de Paris en jouant l’ouverture du Mariage d’Antonio

Au cours du 19e siècle, les écrivains romantiques étaient fascinés par la mort prématurée de Lucile. Dans ses Mémoires d’outre-tombe (1803-46), Chateaubriand écrit : Les trois jeunes filles de Grétry étaient radieuses, roses et blanches comme leurs vêtements ; elles allaient toutes trois mourir jeunes

La carrière de Grétry se ressentira de la mort subite de ses 3 filles. A la mort de son frère Jean Joseph Célestin (1739-1796), il a accueilli chez lui sa veuve et leurs sept enfants. Et alors que les finances de la famille étaient au plus bas, son épouse s’était remise à peindre.

De Lucile, un contemporain disait : Lucile était une belle fille gaie, ardente, folâtre, avec tous les caprices charmants de cette aimable nature ; c’était presque le portrait du père ; c’était en outre le même cœur et le même esprit. « Qui sait, disait le pauvre Grétry, si la gaieté ne la sauvera pas ? » Par malheur, c’était un de ces génies précoces qui dévorent leur jeunesse. A 13 ans, Lucile avait rêvé d’un opéra qu’on jouait partout : Le Mariage d’Antonio

Un journaliste ami de Grétry, qui se trouvait un jour dans la chambre de Lucile sans qu’elle s’en doutât tant elle était toute à sa harpe, raconte : Quel délire, quelle colère la transportait durant ses luttes avec l’inspiration souvent réelle. Elle pleurait, elle chantait, elle pinçait de la harpe avec une énergie incroyable ; elle ne me vit point ou ne prit pas garde à moi, car moi-même je pleurais de joie et de surprise en voyant cette petite fille transportée d’un si beau zèle et d’un si noble enthousiasme pour la musique. 

Lucile avait appris à lire la musique avant l’alphabet ; elle avait été bercée si longtemps par les airs de Grétry, qu’à l’âge où tant d’autres petites filles jouent au cerceau ou à la poupée, elle avait trouvé assez d’harmonie dans son âme pour tout un charmant opéra ; c’était un prodige. 

Anne-Marie Polome

Crédits photographiques : DR

 

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