Concert de prestige au Namur Concert Hall avec le Quatuor Ébène

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Ce lundi 20 mars a lieu le concert du Quatuor Ébène, dont la réputation n’est plus à faire, au Namur Concert Hall. Le programme du soir est modifié suite à un changement d’effectif. En effet, comme annoncé par Gabriel le Magadure (deuxième violon) au début du concert, le violoncelliste Raphaël Merlin doit malheureusement renoncer à ce concert pour des raisons personnelles. Il est remplacé au pied levé par Daniel Mitnitsky, membre du Quatuor Aviv (Aviv Quartet). Cela implique un changement de programme. Nous retrouvons donc la Suite séculaire de Richard Dubugnon (initialement programmée), ainsi que le Quatuor à cordes en fa majeur M.35 de Maurice Ravel et le Quatuor N°3 en la majeur (op. 41 N°3) de Robert Schumann.

La Suite séculaire, pour quatuor à cordes, est composée en 2016 par le compositeur suisse Richard Dubugnon. Elle est constituée de neuf mouvements, tous inspirés d’oeuvres sacrées et profanes de Jean-Sébastien Bach ayant un lien avec la nature. Il faut savoir qu’à l’époque de Bach, le quatuor à cordes n’existait pas comme genre musical distinct. Cette oeuvre représente en quelque sorte le voyage à travers une journée. Le premier mouvement, Matin, est un choral épuré qui nous plonge directement dans la musique de Bach. Le deuxième mouvement, La pluie et la neige tombent du ciel, est une sinfonia dont l’interprétation est énergique. Le troisième mouvement est un récitatif assez calme. L’alto, dans le rôle du récitant, est merveilleusement mis à l’honneur par l’altiste Marie Chilemme. Son jeu est à la fois fluide et délicat. De plus, elle est accompagnée avec grande attention par les trois membres du quatuor. Le quatrième mouvement, Midi, est un aria. Une douce mélodie est énoncée avec délicatesse par les deux violonistes. Ce mouvement rempli de contrastes est expressif. Le cinquième mouvement, Par les fleuves de Babylone, est inspiré d’une pièce pour orgue. Dans cette partie, chaque instrumentiste à son mot à dire avec de brefs solos. Le thème circule avec fluidité. Le sixième mouvement, Christ, toi qui est jour et lumière, est un choral avec un flux de croches continu. À la différence du premier mouvement, il est intégralement interprété en pizzicatos. Le septième mouvement est un prélude intense inspiré d’une pièce pour clavier. Le huitième mouvement est une fugue tirée du nom de B-A-C-H -chacune des lettres représentant une note dans la notation allemande. Cette partie de l’œuvre est assez virtuose avec une belle circulation du thème et un jeu complice entre les quatre musiciens. Le dernier mouvement, Nuit, est un choral. Celui-ci clôture tout en douceur cette oeuvre saluée par le public.

Pour terminer cette première partie, changement de style. Place au Quatuor à cordes en fa majeur M.35 de Maurice Ravel. Cette œuvre, bien qu’elle n’ait pas fait l'unanimité lors de sa création, est une des pièces les plus jouées du répertoire classique de musique de chambre. Il suit une structure classique en quatre mouvements. Le premier, Allegro moderato, allie des passages mouvementés, exaltants mais aussi calmes. Le deuxième mouvement, Assez vif - très rythmé, commence avec des pizzicatos énergiques. S’en suit un passage apaisé avec un solo de grande qualité offert par l’altiste Marie Chilemme et du premier violon Pierre Colombet. De courtes fulgurances viennent perturber la tranquillité de ces deux solos. L’interprétation de ce mouvement est particulièrement agréable. Le troisième mouvement, Très lent, commence avec un solo de violoncelle brillamment exécuté par Daniel Mitnitsky. Cet andante rêveur contient des élans lyriques joués avec conviction par les quatre musiciens. La fin du mouvement est un moment suspendu avec cette longue tenue aiguë d’une justesse parfaite. Le dernier mouvement, Vif et agité, est successivement en 5/8 puis en 5/4, ce qui confère un style particulier, assez dansant. Quelle énergie, quel engagement et quelle vivacité dont ils font preuve. La complicité qui les lie est belle à observer. Le public acclame cette interprétation musicalement très bien construite.

Après la pause, place au Quatuor N°3 en la majeur (op. 41 N°3) de Robert Schumann. Bien que cette pièce fasse montre de nombreuses références aux quatuors d’illustres compositeurs comme Mozart, Haydn ou encore Beethoven, on note tout de même que Schumann n’échappe pas à l’influence du romantisme. Ce quatuor, le plus ambitieux des trois du compositeur allemand et dédicacés à Mendelssohn, compte quatre mouvements. Le premier, Andante espressivo - Allegro molto moderato, commence calmement avec de belles intentions musicales. L’allegro est quant à lui plus animé. Le deuxième mouvement, Assai agitato, débute avec un 3/8 espiègle. Plus tard, une fugue intense, quasi frénétique, fait son apparition avant que le thème du début ne reprenne sa place. Cette partie de l’œuvre se termine dans une certaine sérénité. C’est alors qu’une alarme de téléphone résonne dans toute la salle empêchant le quatuor de commencer le troisième mouvement. Finalement le bruit cesse et les musiciens peuvent reprendre. Le troisième mouvement, Adagio molto, est une parenthèse de sérénité parfois troublée par des passages virevoltants accentués par une basse posée du violoncelle. Après une accalmie, place au dernier mouvement, Finale - Allegro molto vivace. Dans cette dernière partie de l’œuvre, le Quatuor Ébène fait preuve de caractère, joue avec engagement et énergie, clôturant le concert de manière impressionnante.

Le public est conquis et ovationne généreusement les artistes.

En résumé, ce concert musicalement inspiré et inspirant est une totale réussite grâce à ces quatre musiciens talentueux dont l'interprétation des trois œuvres est de grande qualité. Les protagonistes ne font qu’un malgré le remplacement tardif par Daniel Mitnitsky qui s’intègre merveilleusement pour nous offrir ce beau concert. De plus, les deux violonistes, Pierre Colombet et Gabriel le Magadure, font preuve d’une musicalité exemplaire sans oublier Marie Chilemme qui fait littéralement rayonner son instrument.

Thimothée Grandjean, Reporter de l’IMEP

Namur, Concert Hall, le 20 mars 2023

Crédits photographiques : Bastien Lansbergen

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