Concertos de Walther en connivence sur un éloquent petit orgue d’Innsbruck

par

Johann Gottfried Walther (1684-1748) : Concerti appropriati all’Organo LV 127, 130, 131, 132, 133, 135, 138, 140. Preludio con Fuga en sol majeur LV 119, en ut majeur LV 121. Alcuni Variationi sopr’un Basso Continuo del Sign.r Corelli LV 129. Peter Waldner, orgue. Livret en allemand. Octobre 2021. TT 74’36. Tastenfreuden 11. 

Sur la quatre-vingtaine de concertos pour clavier conçus par ce contemporain de Johann Sebastian Bach, à l’instigation du jeune Duc Johann Ernst de Saxe-Weimar, seule une quinzaine est passée à la postérité. Dérivés de compositeurs italiens comme Tomaso Albinoni, Antonio Vivaldi ou Giuseppe Torelli. Ce CD fournit un large aperçu sur ce corpus qui a toujours joui d’une certaine présence au disque, depuis les vinyles de Marie-Claire Alain à Saint Quentin (Erato, 1970), Edward Power Biggs à Freiberg (CBS, 1971), Wolfgang Rübsam à Colmar (DHM, 1982). On mentionnera aussi la réussite de Wolfgang Stockmeier (CPO, 1990) dont le jeu simple, direct alliait intelligence et intelligibilité, pour des œuvres qui convoitent une latinité acclimatée au goût du classicisme de Thuringe.

Dans son livret, en allemand non traduit (hélas pour les non germanophones), Peter Waldner nous confie les clés de son approche : « dans l'esprit du discours sonore baroque, il me tenait particulièrement à cœur d'interpréter les œuvres d'orgue choisies de la manière la plus vivante, spontanée, captivante, expressive et riche en affects possible, afin de donner à l'auditeur l'impression qu'elles viennent d'être créées, qu'elles sortent en quelque sorte tout juste de l'atelier de composition et qu'elles sont exécutées pour la première fois. » Cette fraîcheur d’intention s’épanche sur le petit instrument (20 jeux) de l’église Mariahilf d’Innsbruck que Peter Waldner pratique depuis 1988, peu après sa construction par le facteur Pirchner. Un orgue aux couleurs franches et claires, animé avec art, même si le LV 140 semble un peu lourd et nécessiterait davantage d’élan.

Au demeurant, le charme opère, rappelant la souplesse, la chaleur des modèles originaux pour cordes. Les pièces fuguées (LV 119 & 121) se déroulent avec toute la lisibilité qu’on peut souhaiter. L’ornementation s’intègre naturellement et précisément au propos. Les tuyaux ne manquent ni de caractère (LV 132) ni de lyrisme, s’exprimant par d’éloquentes registrations. On savourera les effets d’écho aux anches dans le LV 135 (4’36). Quelques lointains gazouillis d’oiseaux entendus ça et là ajoutent à la poésie du disque, capté avec plénitude et relief. Une convaincante piqûre de rappel pour se souvenir que ces opus, même s’ils ne rivalisent pas avec les Orgelkonzerte de Bach, ne déméritent audience. Surtout quand comme ici ils rayonnent en tranches de vie.

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 8 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.