David Grimal initie l’Orchestre national de Lille à des interprétations sans chef
Du 7 au 12 février, les mélomanes du Nord ont vécu une nouvelle expérience avec l’Orchestre national de Lille : une interprétation sans chef d’orchestre ! Au centre de ces concerts, David Grimal, qui pratique depuis longtemps ce format, notamment avec son orchestre Les Dissonances. Nous avons assisté au concert du 11 février au Nouveau siècle à Lille, dans un programme composé de trois œuvres de Mendelssohn.
L’annonce habituelle juste avant le concert vient d’être diffusée. Les instruments s’accordent rapidement, et le public attend le chef, en l’occurrence David Grimal, indiqué « direction et violon » dans le programme. La salle n’est pas encore totalement silencieuse, et les musiciens commencent à jouer. Certains continuent à parler avec leurs voisins, ils n’ont pas compris tout de suite que le concert avait commencé ! L’Ouverture des Hébrides de Mendelssohn résonne comme venant de nulle part, renforçant le caractère mystérieux de la Grotte de Fingal. Il suffit de regarder quelques secondes l’orchestre, pour « voir » que les musiciens s’écoutent attentivement les uns et les autres. En effet, ce mode d’interprétation — un langage qui se développe, précisera David Grimal au bord de scène à l’issue du concert — est aussi beau à voir qu’à écouter. Ainsi, la musique respire de manière plus organique, elle devient plus que jamais une entité vivante.
Pour le Concerto pour violon n° 2, David Grimal se place au centre de l’orchestre pour donner quelques indications, mais il ne « dirige » pas pour autant. Il laisse les musiciens entièrement dans leur écoute. Son jeu au violon est aussi organique que celui de l’orchestre, les phrasés se suivent avec une fluidité de l’eau qui coule. Mais ce n’est jamais au détriment des accents : tragique au premier mouvement, apaisant au deuxième et joyeux au final, le caractère de chaque mouvement est merveilleusement mis en avant. Le soliste interprète en bis L’Aurore, extrait de la Sonate pour violon seul n° 5 en sol majeur op. 27 de Ysaÿe, où la poésie s’épanouit dans les notes de l’espoir.
Dans la Quatrième Symphonie « italienne », le violoniste occupe la place du premier violon solo. C’est souvent avec les pieds et les positions de bras qu’il mène l’orchestre, afin notamment de régler de petits décalages subtilement amorcés. Dans des tempos généralement vifs, l’interprétation est fraîche et juvénile. Justement pour un tempo assez allant, si le deuxième mouvement laisse désirer le finale, frénétique comme si on brûlait la vie dans l’urgence absolue, est particulièrement impressionnant.
Ce concert s’est déroulé sous le signe de l’implication musicale intense de la part des musiciens, qui suscitait par la suite de conséquence évidente une écoute aiguisée chez l’audience. C’est, dans un sens, un concert idéal, qui réunit les oreilles des musiciens et du public.
Concert du 11 février 2025, au Nouveau siècle à Lille.
Crédits photographiques © Ugo Ponte-ONL