Découverte d’un orgue baroque du district de Lisbonne

par

TORRES VEDRAS, Órgão Histórico da Santa Casa da Misericórdia. Domenico Zipoli (1688-1726),  Tomaso Albinoni (1671-1750), Soror da Piedade (XVIII°s), Frei Jacinto de Sacramento (1712- ?), Georg Philipp (sic) Telemann (1681-1767), Carlos Seixas (1704-1742), Antonio Vivaldi (1678-1741), Andrea Luchesi (1741-1801) et anonyme. Marcos Lázaro, violon. Daniel Oliveira, orgue. Décembre 2019. Livret en portugais, français, anglais. TT 48’20. FSB Musique.

Puisque cet orgue est la vedette du disque, on regrette que le livret ne nous informe pas davantage sur son histoire, ses caractéristiques, et l’église qui l’héberge. Celle-ci fut édifiée (1681-1710) en remplacement d’un lieu de culte pour la Santa Casa da Misericórdia située depuis 1520 dans le centre historique de Torres Vedras (district de Lisbonne). On remarque les magnifiques faïences sur les parois de la nef. Soutenue par deux colonnes ioniennes, la tribune du chœur supporte le meuble de l’orgue qui y est posé. Au balcon, un instrument d’une huitaine de jeux (quelle est sa disposition ?) construit en 1773 par Bento Fontanes, et restauré (2005-2008) par Dinarte Machado. Facture ibérique, et buffet à l’italienne, dirait-on pour résumer. 

Le cinq-centenaire de l’institution est à l’origine de ces sessions captées en décembre dernier. Quoiqu’assez bref (quarante-huit minutes), le programme invite neuf compositeurs, actifs au XVIIIe siècle. D’autres patriarches lusitaniens comme António Carreira ou Manuel Rodrigues Coelho, quoiqu’adaptés à son format, auraient peut-être disconvenu au tempérament de l’orgue Fontanes. Toutefois n’aurait-on pu compléter le parcours avec des contemporains méridionaux, tels Domenico Scarlatti ou Antonio Soler, qu’on lui devine propices ? En l’occurrence, le choix des œuvres procure un matériau légitime mais pas toujours palpitant. Des pièces pour les seuls tuyaux, qu’on souhaiterait plus nombreuses. Or d’autres en dialogue avec le violon contribuent-elles vraiment à l’attrait de ce CD ? Les adagios de la Sonata da chiesa no4 d’Albinoni un peu anesthésiants, les allegros sèchement dardés mais un peu frustres. Les amateurs d’un discours bien articulé, sans épanchement ni fioriture, auront certes toute raison d’admirer la prestation de Marcos Lázaro dans les Sonates de Telemann et Vivaldi. 

Titulaire en ce lieu, Daniel Oliveira tire le meilleur effet de ce qu’il joue, phrasé avec charme, tact et précision, et ce qu’il faut de volubilité (les deux Sonates de Carlos Seixas, dont celle en fa majeur, toute melliflue). Ne vous attendez pas à un récital qui fasse crépiter les anches et la flamme ibère, car c’est plutôt la faconde et l’italianità qui sont ici favorisées, jusqu’à la Sonate de Luchesi qui referme l’album sur un gratin de textures très stimulantes à l’oreille.

Sur certaines plages (la troisième, la neuvième…), la proximité des micros ne laisse rien ignorer du caractère de l’instrument (ni de son bruit mécanique) dont l’Aria con variazioni dresse l’inventaire des ressources. Sur d’autres morceaux, la captation intègre l’orgue dans son acoustique ambiante, révélant son brio et sa séduction, offrant d’autres facettes de son portrait, au point qu’on a envie de le réentendre en solo dans un répertoire encore plus valorisant. 

Christophe Steyne

Son : 10 – Livret : 7 – Répertoire : 7 – Interprétation : 8

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.