Démonstration des ressources baroques de l’orgue de la Sainte Trinité de Gdańsk

par

ORGAN LANDSCAPES GDANSK Vol. 1. Danziger Tabulatur (1591) ; Jan Pieterszoon SWEELINCK (1562-1621) ; Girolamo FRESCOBALDI (1583-1643) ; Johann FROBERGER (1616-1667) ; Johann Caspar KERLL (1627-1693) ; Georg MUFFAT (1635-1704) ; Dietrich BUXTEHUDE (1637-1707) ; Georg BÖHM (1661-1733) ; Andreas Nicolaus SCHADE (1674- ?) ; Johann Sebastian BACH (1685-1750). Andrzej Mikołaj Szadejko, orgue de l'église de la Sainte Trinité de Gdańsk (Pologne). Mai 2019. Livret en anglais, français, allemand. TT 68’07. SACD multicanal. MDG 906 2157-6.

Les 14 mars et 5 avril derniers (albums Puer Natus chez Ars Sonora, Musica Baltica Vol 6 chez MDG), nous avions déjà ouvert nos colonnes à l’orgue de la Sainte-Trinité complètement rénové (buffet et tuyauterie) en 2018, après de nombreuses années de labeur. Au terme de dizaines de milliers d’heures de recherche et de reconstruction put ainsi renaître ce vestige dont les origines sont attribuées au facteur Martin Friese (1628), malmené par les vicissitudes de l’histoire, et refondé sur une base baroque bornée par l’état de 1757. Andrzej Szadejko, qui a supervisé le projet, s’en fait l’inlassable et heureux promoteur, ainsi le confirme ce disque annoncé comme le premier volet d’un panorama du patrimoine organistique de Gdańsk. On se souviendra qu’en septembre 1986 le même label MDG avait déjà réalisé un enregistrement (Danzig & Westpreussen, avec Jan Janca) de neuf autres orgues situés dans cette aire littorale de Pologne.

Le programme suit une voie essentiellement chronologique, depuis la fin du XVIe Siècle (Phantasia primi toni de la Danziger Tabulatur) jusque le milieu du XVIIIe Siècle avec une Fantaisie et Fugue en la mineur prêtée à Johann Sebastian Bach. De Sweelinck, la série de huit variations sur une danse polonaise permet de faire défiler des registrations où la Renaissance passe le relais au Baroque. Buxtehude (Magnificat, avec l’appoint de quelques chantres, Durch Adams Fall) et Schade (une passacaille en ré mineur qui vous en rappellera une autre fort célèbre…) abordent le versant septentrional du répertoire. Böhm (Ach wie nichtig) fait figure de trait d’union entre l’Allemagne côtière et centrale. Cette anthologie ne reste pas cantonnée aux rigueurs germaniques, puisque l’on retrouve un Ricercare de Frescobaldi, et quelques pièces de Froberger (une Toccata et un Capriccio en sol), Kerll (Toccata quinta) et Muffat (Toccata quarta), toutes ouvertes à l’influence de l’Europe du Sud. 

Comme l’explique le livret, ce récital illustre l’adaptabilité stylistique (à la fois temporelle et géographique) de l’instrument. La démonstration convainc, même si les amples ressources (une petite cinquantaine de jeux sur trois claviers et les pédales) semblent surtout idéales pour les Maîtres d’Allemagne du Nord. Interprétation sobre et de grande classe, adaptée à la langue et à l’esprit des œuvres. Dans la ferveur des chorals comme dans la faconde des pièces libres, Andrzej Szadejko trouve le ton juste. Et on saluera ses élans virtuoses dans le BWV 561 (qu’il soit de Bach ou non) : le ruissellement, l’art des diminutions endiablées, les gammes-fusées (7’50) procurent leur griserie. Un très intéressant album, réfléchi, soigné et abouti, magnifiquement capté. Dans l’état de la naissante discographie de l’instrument, voici une carte de visite qui honore sa polyvalence. On attend impatiemment le prochain volume, qui doit nous faire découvrir un autre orgue au cœur de Gdańsk, tout récemment reconstruit dans l’esprit du classicisme. Mozart serait au menu.

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

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