Derniers des Concerts au potager du roi à Versailles

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Les Concerts au potager du roi, organisés à deux pas du fameux château, constituent un festival d’été rapidement mis en place pendant le confinement. En effet, suite à la Tribune des musiciens indépendants -les musiciens, confrontés à des difficultés inouïes, alertaient de leur situation critique liée à la COVID-19- ses initiateurs, le Quatuor Modigliani, l’altiste Gérard Caussé et le pianiste David Fray ont lancé, avec le soutien de la région Ile-de-France, un festival solidaire. Du 11 juillet au 2 août, avec la collaboration et Jean-Paul Scarpitta qui ont rejoint le comité artistique, chaque week-end était une occasion d’entendre des musiciens internationaux en plein air.

Ce vaste espace fut créé par Jean-Baptiste La Quintinie entre 1678 à 1683 à la demande de Louis XIV pour « nourrir et innover ». Les concerts se sont donc déroulés dans un coin de ce territoire qui compte aujourd’hui quelque 9 hectares et rattaché à l’École nationale supérieure du paysage, où sont cultivées de nombreuses variétés de fruits (150 pour les pommes et autant pour les poires) et de légumes. Sur une scène spécialement installée et recouverte d'une tente, 70 musiciens se sont succédé en 20 soirées.

Le dernier jour du Festival, dimanche 2 août, le Duo Bizjak propose un programme Mozart-Bernstein-Ravel. Si la Sonate pour deux pianos K488, pour commencer, était encore un peu hésitante à certains moments (c’est leur premier concert depuis le mois de février), les deux sœurs se distinguent dans la grâce mélodique du deuxième mouvement. Elles retrouvent leur aisance habituelle dans les Symphonic Dances from West Side Story arrangées pour deux pianos, se lancent allègrement dans les craquements de doigts, des tapes percussives sur la caisse des instruments et les cris incontournables de Mambo !, sans parler de l’extraordinaire unité entre deux pianos. Au final de Bernstein, elles enchaînent immédiatement les grondements initiaux de La Valse, une idée ingénieuse pour vivre l’intensité de ces deux musiques. Elles marquent l’œuvre par une élégance et une vitalité réjouissantes, dans une oscillation rythmique enivrante. Enfin, nous avons eu la grande chance d’assister à une interprétation frénétiquement inspirée des Variations sur un thème de Paganini de Lutoslawski. Elles sont plus que jamais libres comme des poissons dans l’eau ; on y retrouve le rythme et elles font preuve d’un grand brio dans cette modernité musicale poignante des années 1940, sur un thème et des motifs à maintes fois repris au cours de l’histoire.

Enfin est venu le dernier concert, complet, qui accueille Fanny Ardent, special guest. En compagnie de Gérard Caussé et de David Fray (Sonate pour Alto et Piano de Chostakovitch), elle offre la première Élégie de Duino de Rainer Maria Rilke. D’un poème à dimension philosophique, on passe à la joie juvénile du Carnaval des animaux de Saint-Saëns. La lecture du texte de Francis Blanche, où Fanny Ardant insère beaucoup d’humour théâtral, vivifie encore la musique ; le public est ravi de ce « plus », tout comme les musiciens qui manifestent, eux aussi, un plaisir débordant.

Avant le début du festival, François Kieffer, violoncelliste du Quatuor Modigliani, l'a défini comme une édition « spéciale COVID », sans toutefois exclure la possibilité de le pérenniser si le public est au rendez-vous. Privé de musique « vivante » pendant une longue période, celui-ci était finalement très présent et certains concerts se sont joués à guichet fermé. Espérons que la manifestation, dans un cadre bucolique malgré la proximité parisienne immédiate (à une quinzaine de minutes en train), se tiendra pour une deuxième édition et au-delà !

Crédits photographiques :  © V.O.

Victoria Okada

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