Des chœurs lettons pour des pages sacrées de Mendelssohn
Felix Mendelssohn (1809-1847) : Psaume 100 « Jauchzet dem Herrn, alle Welt » MWV B 45 ; Die Deutsche Liturgie, trois pièces MWV 57 ; Sechs Sprüche op. 79 ; Drei Psalmen op. 78 ; Zum Abendsegen MWV B 27. Chœur de la Radio lettonne, direction Sigvards Kļava. 2024. Notice en anglais. Textes chantés reproduits, avec traduction anglaise. 54’ 37’’. Ondine ODE 1459-2.
Il est indéniable que Mendelssohn incarne l’une des plus hautes figures de la musique spirituelle du XIXe siècle, écrit Brigitte François-Sappey dans la biographie qu’elle consacre au compositeur (Fayard, 2008, p. 79) ; elle ajoute qu’il compose dans tous les styles, à la manière palestrinienne, de Bach et de Haendel, ou encore en style symphonique post-beethovénien. Le présent album, réservé à des pages chorales sacrées, dont certaines concernent la première manière énoncée par l’autrice, confirme les propos de cette dernière.
C’est à l’excellent Chœur de la Radio lettonne, fondé en 1940 et mené depuis 1992 par son directeur musical et chef principal Sigvards Kļava (°1962), que le présent programme, significatif, a été confié. L’affiche s’ouvre par le Psaume 100 « Jauchzet dem Herrn, alle Welt », composé en 1844 à destination de la cathédrale de Berlin, Mendelssohn étant appointé par le sixième roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV, couronné en 1840 et soucieux de rénover les arts. La louange pure monte vers l’Éternel, la célébration est fervente. D’une touchante sérénité, l’expression est teintée de joie collective.
Die Deutsche Liturgie (1846), dont sont seuls retenus ici le Kyrie, le Gloria et le Sanctus, reprennent les textes de la messe allemande, dans un contexte dont la flamme brûle de façon recueillie. Le double chœur a cappella vibre face à la prière qui s’élève dans le Gloria, que l’on écoute avec un certain émerveillement, alors que le Sanctus se pare d’une infinie délicatesse. Les Sechs Sprüche op. 79, publiés post mortem, sont représentatifs des différentes phases de l’année liturgique. La polyphonie de ces six brèves pièces est nourrie de chatoiements imprégnés de lumière, avec des nuances de couleurs adaptées à chaque moment du cycle. On adhère, car l’effusion est au rendez-vous, bien en place et baignée de chaleur vocale.
Les trois Psaumes op. 78, qui datent des années berlinoises 1843/44 mais n’ont été publiés qu’en 1849, apparaissent plus sévères, le n° 2 « Warum toben die Heiden », étiré sur plus de six minutes, est un appel à la nécessité de faire confiance au Seigneur et de le servir sans crainte, alors que le plus bref psaume 43 « Richte mich, Gott und führe meine Sache » appelle à la justice de Dieu. Quant au psaume 22 « Mein Gott, warum hast du mich verlassen », c’est une longue plainte, qui dépasse les neuf minutes, autour du thème de l’abandon, et un appel à la protection divine. Le chœur letton assimile bien ces éléments de déploration, avec sa capacité à placer le temps en suspension, comme il le fait si bien dans le motet plus austère Zum Abendsegen de 1833, destiné au service du soir, qui conclut l’album. On notera la présence d’une première gravure mondiale de trois minutes, Ehre sei dem Vater, autre glorification du Père, glissée entre deux psaumes de l’opus 78.
Ce très beau disque de musique chorale, qui transporte l’auditeur dans l’univers spirituel si riche de Mendelssohn, est un nouveau fleuron à mettre à l’actif du chœur de la Radio lettonne, dont les qualités de cohésion, d’homogénéité et de ferveur sont remarquables.
Son : 8,5 Notice : 10 Répertoire : 10 Interprétation : 10
Jean Lacroix
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