Dossier Liszt (5) : les Années de Pèlerinage...  quarante années d'errance 

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 "J'ai voyagé dernièrement dans de multiples pays nouveaux, j'ai vu nombre d'endroits différents et visité nombre de lieux sanctifiés par l'histoire et la poésie ; j'ai eu le sentiment que les aspects variés de la nature et les scènes qui s'y rattachaient ne passaient pas devant mes yeux comme de vaines images, mais qu'elles remuaient dans mon âme des émotions profondes, qu'il s'établissait entre elles et moi une relation vague mais immédiate, un rapport indéfini mais réel, une communication inexplicable mais certaine, et j'ai essayé de rendre en musique quelques-unes de mes sensations les plus fortes, quelques-unes de mes impressions, mes perceptions les plus vives". 

 C'est ce que nous lisons en préface du premier volume des Années de Pèlerinage qui ont occupé quarante et une années de la vie créatrice de Franz Liszt qui, déjà, dans un petit recueil de trois pièces intitulées Apparitions daté de 1834, avait éveillé son chant à la sensibilité de la nature. 

Bien avant Wagner, dont il donna une grande part de ses dernières années à diffuser l'oeuvre, Liszt pressentait la nécessité de l'oeuvre d'art totale, celle qui célébrerait les noces des arts plastiques, la poésie, la littérature et la musique. En 1865 il imaginait de fonder une Académie des Arts. Et pourtant, il n'a composé qu'un seul opéra, de jeunesse, Don Sanche ou le Château de l'Amour, qui fut créé le 17 octobre 1825, lors de ses heures de gloire à Paris, puis représenté trois fois avant d'être oublié3

Cet art de la description, celui de la réminiscence, Liszt n'était pas le premier à y penser, mais il institutionnalisera le genre avec le Poème Symphonique, des pièces comme les Années de Pèlerinage, les Harmonies Poétiques et Religieuses, et d'autres qui, comme les Scènes d'enfants de Schumann, ne cherchent point tant à décrire qu'à évoquer un souvenir, une impression profondément ressentie, un état, un éveil qu'a subtilement ressenti l'âme humaine. Saint François d'Assise parlant aux Oiseaux, ou Saint François de Paul marchant sur les flots... deux personnalités qui marquent l'être en quête d'absolu. Il suffit de lire les multiples annotations de tempi et de caractères des Années de Pèlerinage pour se rendre compte combien Liszt savourait ces formes libres dans lesquelles peuvent s'exprimer sans contrainte la multiplicité des nuances que peut éprouver l'âme sensible à la rencontre des merveilles de ce qui lui est offert. 

 Un voyage, de quelques années seulement... 

La Suisse 

Si les Années de Pèlerinage constituent un corpus chevillé à la personnalité de Liszt, l'"errance" concrète ne fut cependant que de courte durée. 

Tentons de suivre le parcours de deux amants cherchant à fuir les rumeurs de la ville où ils se sont rencontrés et aimés. 

Ils quittent séparément Paris fin mai 1835 pour se retrouver à Bâle le 5 juin. A l'Hôtel des Trois Rois, Marie d'Agoult doit annoncer la nouvelle à sa mère ; à l'Hôtel de la Cigogne, Franz Liszt attend l'autorisation de se manifester. Ils séjournent une semaine à Bâle avant de gagner Genève en passant par le Lac de Constance et le Lac de Wallenstadt où ils s'attardent. Dans les Carnets de Marie d'Agoult, l'itinéraire détaillé du voyage : "Les bords du Lac de Wallenstadt nous retinrent longtemps. Franz y compose, pour moi, une mélancolique harmonie imitative du soupir des flots et de la cadence des avirons que je n'ai jamais pu entendre sans pleurer". Le 23 juin, le couple franchit le Saint Gothard, suit la vallée du Rhône et atteint Martigny le 1er juillet. Il séjourne quelques jours à Bex et rejoint Genève le 19 juillet où il s'installe pour treize mois dans un appartement situé rue de Tabazan, numéro14

C'est là que le compositeur mène à bien quelques pièces de son Album du Voyageur, titre inspiré des Lettres d'un Voyageur de son amie George Sand qui, révisé à Weimar, donnera naissance à la Première Année de Pèlerinage (La Suisse). C'est à la rue Tabazan que naît Blandine, le premier enfant du couple et dans cette même Genève, à l'automne 1835, que s'ouvre le Conservatoire dans lequel Franz Liszt sollicita l'honneur de pouvoir enseigner le piano "à la condition de pouvoir exercer bénévolement la fonction". Il quittera ce poste l'été de l'année suivante car il n'y trouvait pas l'opportunité de dispenser son enseignement comme il souhaitait bien de le faire. 

Ce même été 1836, le couple décide d'explorer la vallée de Chamonix et y invite George Sand dont la Dixième Lettre d'un Voyageur, d'un ton épicé d'anecdotiques couleurs chatoyantes, nous situe le climat de belle humeur qui fait fi de tout qu'en-dira-t-on. N'ayant pu rejoindre ses amis en temps utile, il restait à George Sand le soin de les retrouver à Chamonix. Elle soupçonne leur présence en lisant dans le registre de l'hôtel de l'Union l'identification suivante: 

Lieu de naissance : Parnasse. Profession : musicien philosophe. Venant du : doute. Allant à : la vérité. 

Sur le même ton George Sand poursuit. Nom des voyageurs : famille Piffoëls5. Domicile : la nature. D'où ils viennent : de Dieu. Où ils vont : au Ciel. Lieu de naissance : Europe. Qualité : flâneurs. Date de leurs titres : toujours. Délivrés par : l'opinion publique. 

La petite bande fait halte à Martigny, Lucerne et Fribourg -où, dans la cathédrale, Liszt improvise longuement sur le Dies Irae du Requiem de Mozart- avant de revenir à Genève qui déjà les ennuie. 

Le 16 octobre, Franz Liszt et Marie d'Agoult s'installent à Paris, à l'hôtel de France, 23 rue Laffite. Ils craignaient que le scandale de leur union ne soit pas éteint. Il n'en est rien. Le 23 rue Laffite regorge de retrouvailles où se refait le monde. On les appelle "Les Humanitaires" ; on titre "Soirées chez les Dieux". 

Et puis, nouvel appel de la nature. George Sand regagne Nohant en janvier 1837. Marie d'Agoult l'y rejoint en février. Franz reste à Paris où se joue l'illustre compétition qui se termine en "duel" avec Sigismond Thalberg, le "rival" avec qui il se liera ensuite d'amitié, "... le seul artiste qui peut jouer du violon au clavier". Liszt gagne le duel ; de son côté, Thalberg prolonge sa prestigieuse carrière. Franz rejoint Nohant en avril où, sur le piano Erard, il privilégie Beethoven et Schubert tandis que, à l'étage du dessous, George Sand s'adonne à ses écrits. 

 L'Italie 

C'est le 24 juillet 1837 que Franz Liszt et Marie d'Agoult quittent Nohant pour l'Italie après une halte à Lyon où le virtuose de 26 ans offre son talent à un concert de bienfaisance, à Saint Point pour une petite visite à Lamartine et à Etrambière où les parents retrouvent Blandine qu'ils espèrent récupérer très vite. 

Le 17 août, le couple arrive à Raveno et découvre les paysages du Lac Majeur avant d'effectuer le "grand tour" comme l'avait fait Montesquieu plus d'un siècle plus tôt, un circuit immortalisé depuis les récits de Goethe, de Madame de Staël et de Chateaubriant. Début septembre, après avoir exploré toute la rive est du Lac de Côme, le couple se repose à Bellagio d'où Liszt écrit à sa mère, à la fin du mois d'octobre : "J'habite le plus beau pays du monde, je suis le plus heureux des hommes de la terre et me fiche plus que jamais des sots discours et des sottes gens...". 

Tout pourrait paraître idyllique durant les cinq mois du séjour italien à la villa Melzi, et la biographe Lina Ramann nous le décrit avec, pour lecture sous les arbres, la Divine Comédie. Mais la dernière biographie en date, celle d'Alan Walker parue chez Fayard en 1990 note un bémol aux romantiques idylles : dans son exemplaire annoté de l'ouvrage de Lina Ramann qui décrit le séjour comme "sans nuages", Liszt biffa ces mots pour les remplacer, avec tact, par un simple point d'interrogation... En réalité, le couple rencontrait diverses difficultés qui les firent changer plusieurs fois de résidence avant de retrouver Bellagio le 6 septembre où ils logent deux mois dans une délicieuse petite auberge. 

Et cependant, Marie ne manque pas de redoubler d'efforts pour jouer auprès de Franz le rôle de Béatrice auprès de Dante, modèle qu'elle vénérait encore après leur séparation de 1844. Mais lui, meurtri, blessé d'un amour qu'il avait cru surnaturel, pouvait tenir des propos cruels : "Bah, Dante ! Bah, Béatrice ! Les Dante font leur Béatrice et les vraies meurent à 18 ans !" ou encore "Ce sont les poètes qui inventent et divinisent les Beatrix, et non pas les Beatrix qui font ou glorifient les poètes". Dans les cahiers de Marie: "Un mauvais piano, quelques livres, la conversation d'une femme sérieuse lui suffisent. Il renonce à toutes les jouissances d'amour propre, à l'excitation de la lutte, aux amusements de la vie sociale, à la joie même d'être utile et de faire le bien ; il y renonce sans paraître seulement se douter qu'il renonce à quelque chose". 

Le poète est seul. 

Le couple s'installe à Côme, à l'hôtel dell'Angelo où naît leur deuxième fille, Cosima, la veille de Noël. Les communications entre Côme et Milan sont aisées. Liszt s'y rend souvent ; il y retrouve Rossini qui, retiré de la scène depuis dix ans, tient en ville des diners raffinés et l'éditeur Ricordi qui ne tarit pas d’éloges à son égard. Mais à la Scala, les fastes et les pompes règnent en maître, et lorsque notre zélateur s'organisera dans le temple un concert, il ne manquera pas un spectateur pour hurler : "Je vais au théâtre pour me distraire, pas pour étudier !". 

Le couple quitte Milan pour Venise à la mi-mars 1838 en empruntant la route traditionnelle : Vérone, Vicenze, Padoue. Ils arrivent à Venise à la fin du mois. 

Journal de Marie : voyage épuisant, une Carthage moderne, artificielle et matérialiste

Journal de Franz : le coup de foudre pour les canaux, les ponts, les jeux de lumière sur les façades des palais... 

Journal de Marie : "Je me sens une entrave dans sa vie, je ne lui suis pas bonne. Je jette la tristesse et le découragement sur ses jours". 

Une lettre de Franz à Lamennais : "Ma vie sera-t-elle toujours entachée de cette oisive inutilité qui me pèse ? L'heure de l'action virile ne viendra-t-elle point ?". 

 Le mot est jeté. Vir, Virilis... Virtus, Virtuose. 

A ce propos, Vladimir Jankelevitch écrit : "la vertu vertueuse et la vertu virtuose font deux". Le Vir, le héros, le soldat ; le virtus, la force d'âme. Liszt est les deux à la fois, le virtuose, le diable, le séducteur, et l'abbé. "Mi-franciscain, mi-tzigane" aimait-il se définir lui-même.  

Il s'étourdit alors dans de fulgurantes tournées de récitals6 à travers l'Europe, du Portugal à la Russie, où le virtuose, en danger, toujours aux limites de lui-même, "se relève, roi"7, avant de gagner Weimar où il se fixe comme Kapellmeister de la Cour entre 1848 et 1861. C'est là qu'il remanie l'Album d'un Voyageur qui s'intitulera Années de Pèlerinage, celles que nous connaissons aujourd'hui, qu'il compose les Rhapsodies hongroises, qu'il crée le Poème symphonique, préludera au langage wagnérien et diffusera généreusement l'oeuvre de ses contemporains, faisant de Weimar un haut lieu culturel européen. Et puis ce sera Rome. Le diable s'est fait abbé ; il s'est habillé des ordres mineurs. 

... la vitale errance 

Une des oeuvres majeures de Liszt, les deux premières Années de Pèlerinage, prend pour prétexte la succession, somme toute assez banale, de deux séjours d'un couple à l'étranger -la troisième Année fut composée beaucoup plus tard. Et cependant, l'appellation de ce corpus de vingt-six pièces réparties en trois "Années"8 évoque irrésistiblement l'idée de l'errance, de la même manière qu'elle est évoquée dans le Voyage en Italie que Goethe écrivait entre 1813 et 1817, près de trente années après lesquelles il éprouva l'équilibre intérieur auquel il aspirait lors d'un second séjour à Rome. Il révisa alors le plan de son Faust dans l'efficacité et le dépouillement, dans ce même sens où Liszt, quarante années plus tard, révisera son Album du Voyageur.    

Globalement, vingt années séparent la composition des deux premières Années de Pèlerinage des versions définitives. Certaines pièces sont complètement transformées, comme Les Cloches de Genève qui portent en exergue cette phrase de Byron : "Je ne vis pas en moi-même mais je deviens une part de ce qui m'entoure", cet entourage que le compositeur s'aménage dans le dépouillement et l'impérative nécessité artistique où la virtuosité gratuite, démonstrative, ne trouve plus sa place.  

Le virtuose adulé, admiré de ses contemporains, celui qui ose aux limites de lui-même, le funambule, admirait, lui, autre chose : l'absolu. Et il se retrouvait seul. La solitude du virtuose, il la donnait en spectacle, celle du jeu avec la mort, avec le risque, tel Guillaume Tell sauvant son peuple de la tyrannie, à qui il rend hommage pour ouvrir son livre d'errance. 

L'Absolu, Liszt a pensé le trouver dans les feux de l'amour passionné et dans les beautés de la nature (Première Année, la Suisse) ; il l'a cherché à travers l'oeuvre d'illustres Italiens (Deuxième Année, l'Italie) ; sa quête l'a finalement conduit au dépouillement et à la spiritualité menant à Dieu dans le dernier parcours de son contrat avec la vie (Troisième Année, l'Italie). Et le Pèlerinage se conclut sur un "Sursum Corda", "Que vos coeurs s'élèvent", préambule de la messe catholique où "le héros du clavier rivalise avec la voix formidable de l'ouragan, se mesure avec le grondement cosmique des tempêtes9". Quatre portées lui seront nécessaires pour égaler la symphonie de l'Univers. 

En exergue à La Vallée d'Obermann qui fait suite au déferlement d'octaves en bourrasque de l'Orage (Première Année) Franz Liszt reprenait les propos d'amertume et de vertige d'Etienne Pivert de Sénancour, compagnon de Rousseau, devant sa petitesse face à l'immensité de la nature : Que veux-je ? Que suis-je ? Que demander à la nature ?...Le récitatif "quasi cello espressivo" déploie une douloureuse phrase descendante comme on en trouvera dans Après une lecture de Dante, Fantasia quasi sonata (Deuxième Année) et la Sonate en si mineur (1853). L'Inferno de Dante, "les langues étranges, les horribles cris, les paroles de souffrance, les rugissements de colère" commence par cette terrible sentence : "Vous qui entrez ici, laissez toute espérance" ; et ce sont les tritons abhorrés, le diabolus in musica, suivis de martèlements chromatiques d'octaves et d'un thème de choral devenant chant d'amour. Mi-tzigane, mi-franciscain, le diable épousera les mots de la candeur céleste. Comme pour sa Totentanz, il utilise la tonalité de ré mineur 10, tandis que la Béatitude se tourne vers le fa dièse majeur, celui des Jeux d'Eau à la Villa d'Este (Troisième Année) ou encore la Bénédiction de Dieu dans la Solitude. 

La Voie de l'Absolu, thème de la recherche initiatique, Liszt la découvre aussi avec ce quatrain de Michel Ange dont la statue sur la tombe de Laurent de Médicis à l'église San Lorenzo de Florence inspire Il Penseroso : "Je rends grâce au sommeil, et plus encore au fait d'être de pierre. Aussi longtemps que l'injustice et la honte règnent sur terre, j'estime comme bénédiction de ne rien voir ni rien sentir. Donc, ne me réveillez pas, et parlez doucement". 

Solitude, silence, errance. 

Liszt tenait beaucoup à cette pièce dont il réalisa plus tard une version pour orchestre, La Notte, qu'il souhaitait voir exécutée pour ses funérailles. Ecoutez ces sonorités sépulchrales de marbre investi d'énigme ; mais aussi les harmonies célébrant la musique du futur ! 

Les trois Sonnets de Pétrarque -qui lui aussi, mais jeune encore, embrassa les ordres mineurs- explorent des appétits plus vitaux en ce monde: "Bénis soient le jour, le mois, l'année, l'heure, le lieu, l'instant où je fus emprisonné par ces deux yeux brillants" (47e Sonnet)... mais déjà... "Paix je ne trouve et n'ai à faire guerre, et je crains et espère, et brûle et suis de glace... En cet état je suis, Dame, à cause de vous" (104e Sonnet)... et puis... "Je vis sur terre des images angéliques et une beauté céleste...", un rêve d'amour contemplatif, le triomphe de l'amour mystique (123e Sonnet)

La Troisième Année de Pèlerinage s'ouvre à Tivoli où le compositeur s'est retiré en 1868 à la Villa d'Este mise à sa disposition par le Cardinal Hohenlohe. Depuis vingt années il partage avec Carolyne von Sayn Wittgenstein sa quête d'absolu. Il ne l'épousera pas, même après qu'elle fut déliée des liens du mariage. 

Il se partage désormais entre Rome, Weimar et Budapest mais c'est dans le dépouillement et la solitude qu'il se sent lui-même. La Troisième Année de Pèlerinage se dépouille de ses oripeaux terrestres. Le compositeur évoque l'Angélus, chante la déploration funèbre dont les accords "tristanesques" illustrent sa foi en l'art du futur qu'il a cultivée toute sa vie (Aux Cyprès de la Villa d'Este n°1 et 2), l'amour du peuple hongrois dont il partage l'échec de la guerre de libération (Sunt lacrymae rerum cite l'Eneïde de Virgile contant la chute de Troie), la méditation sur la mort à la mémoire de Maximilien Ier du Mexique exécuté lors de la révolution de 1867. 

L'oeuvre, plus fort que tout. 

Dans une lettre à son ami Festetics en août 1846, Franz Liszt se proclamait "Premier Zigeuner du Royaume de Hongrie". Dans son ouvrage, tant contesté à la lumière des écrits de Béla Bartok, Des Bohémiens et de leur Musique en Hongrie, il écrit: "Tout leur est bon, tout leur est permis, pourvu que cela leur plaise, pourvu que leur sentiment aille au-delà! Au-delà ! Le grand mot de tout véritable artiste ! Ils ne reculent devant aucune hardiesse en musique, dès qu'elle correspond aux hardis instincts de leur coeur, dès qu'ils y voient la peinture fidèle de leur être". 

Cet au-delà, Franz Liszt l'a donné au-delà de la nature, au-delà de l'oeuvre d'art, au-delà de la virtuosité, au-delà de l'errance. Et le cycle des Années de Pèlerinage se termine par Sursum Corda "Que vos coeurs s'élèvent", aboutissement de quarante années de vie en un grandiose final.  

Il se disait "saltimbanque", comme peut l'être celui qui ne pense qu'à donner. Lorsqu'il fut question de le rapatrier en Hongrie après sa mort à Bayreuth, consécutive à la bienveillante curiosité d'entendre Parsifal, le premier ministre hongrois hésitait : Franz Liszt n'était pas un compositeur hongrois. 

Il se revendiquait tel mais, la langue, il ne l'apprit que sur le tard. D'éducation allemande, il parlait cette langue couramment, de même que le français, sa langue d'adoption puisque c'est à quinze ans qu'il était arrivé à Paris. 

Et cependant, il a chanté la Hongrie, la musique de ses gitans, la cause de son peuple, ses victoires, ses défaites, il était le premier à participer à la reconstruction de Pest inondée. La Hongrie était un port d'attache où il n'avait que très peu vécu.  

Si Bayreuth s'accorde sans nul doute aux "hardis instincts" du langage du pèlerin, reconnaît-elle le coeur du gitan? 

Rédaction et coordination : Bernadette Beyne 

Crédits photographiques : Camille Corot : Tivoli, les jardins de la Villa d'Este, Paris, Musée du Louvre / Gustave Courbet : Le chalet dans la montagne, Moscou, Musée Pouchkine /  Camille Corot : Le Colisée, Paris, Musée du Louvre.

 

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