Double affiche russe et jeunes chanteurs à Munich
Igor Stravinsky (1882-1971) : Mavra (arrangement pour petit ensemble de Paul Phillips) ; Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Iolanta (arrangement pour orchestre de chambre de Richard Whilds). Mise en scène : Axel Ranisch ; décors, costumes et vidéo : Falko Herold ; Lumières : Michael Leconte. Avec : Anna El-Khashem, Parasha ; Noa Beinart, La Mère, Marta ; Yulia Sokolik, la voisine, Laura ; Freddie de Tommaso, Vassili ; Markus Suihkonen, Le Roi René ; Boris Prygl, Robert ; Long Long, Vaudémont ; Oğulcan Yılmaz, Ibn-Hakia ; Caspar Singh, Almerik ; Oleg Davydov, Bertrand ; Mirjam Mesak, Iolanta ; Anaïs Mejias, Brigitta ; Nora Bollmann, Le Patriarche. Choeur d’enfant du Bayreschiche Staatsoper, direction : Stellario Fagone. Bayerisches Staatsorchester, direction : Alevtina Ioffe. Captation vidéo sous la direction de Corentin Leconte. 2019. Filmé en HD. Format image : 16:9. Format son : PCM Stereo & DTS-MA 5.1. Sous-titrage : russe, allemand, anglais, français, japonais, coréen. Codes régions : A;B,C. 131’. 1 DVD ou Blu-Ray Bayerische Staatsoper Recording. BSOREC2003.
Ce spectacle est le reflet d’une production de l’Opéra Studio du Staatsoper de Munich. Comme chaque pépinière de jeunes talents internationaux, cet Opéra Studio propose chaque saison, sur la scène du Théâtre des Cuvilliés, une production dans les meilleures conditions professionnelles.
Le cru 2019 proposait une double affiche avec Mavra de Stravinsky et Iolanta de Tchaïkovski, selon la vision du Berlinois Axel Ranisch. Il faut bien parler de “vision” tant ce spectacle est inséparable de la lecture de cet homme de théâtre. Car loin de proposer un opéra en complément de l’autre, ce dernier superpose les deux œuvres. De prime abord, rien ne peut rapprocher ces deux œuvres… ni sur la forme et encore moins sur le fond. Pourtant ici, les deux partitions se font miroirs… et le théâtre se fait dans le théâtre avec Mavra, envisagées comme un spectacle de marionnettes, qui traverse le tragique de Iolanta. On pourrait épiloguer des heures et des heures sur cette vision qui trouve son épilogue dans une fin modifiée aux confins tragiques que vient heurter la farce et le comique de Mavra. C’est évidemment très conceptuel, loin du respect littéral des livrets des opéras mais, dramaturgiquement, ça fonctionne très bien avec une excellente direction d’acteurs qui fait évoluer les deux mondes par des décors et des costumes contrastés et évocateurs.
Musicalement, les oeuvres ont été également modifiées dans leur facture instrumentale même : Mavra est jouée dans un arrangement pour 6 musiciens de Paul Phillips alors que Iolanta est proposée dans une version pour orchestre de chambre de Richard Whilds ; en effet, la fosse du charmant théâtre rococo des Cuvilliés ne permet pas d'accueillir l’orchestre au grand complet. Bien heureusement, la direction de la cheffe Alevtina Ioffe est fabuleuse à tous les points de vue : évitant une sécheresse rédhibitoire, imposant une tension dramatique et accompagnant avec attention tous ces jeunes chanteurs. A l’écoute, on oublie même les élans limités de l’orchestre réduit dans ses pupitres, pour apprécier la pureté musicale de sa direction.
Du côté des chanteurs, on salue l’esprit collectif de troupe et l’engagement d’une équipe très internationale qui se plaît à jouer et chanter. Des noms sont à retenir : les sopranos Anna El-Khashem et Mirjam Mesak ; les ténors Freddie de Tommaso et Long Long ; et les basses Markus Suihkonen et Oğulcan Yılmaz.
Certes, ce spectacle ne peut pas être recommandé pour une découverte de ces deux œuvres, mais la réussite musicale, portée par l’excellente Alevtina Ioffe, font de cette production un excellent moment de musique et de théâtre si on adhère au concept de la dramaturgie. La captation vidéo est une grande réussite et nous plonge au plus près de l'action scénique. Dans tous les cas, cette production, disponible en DVD et Blu-Ray, est une fabuleuse carte de visite pour ces jeunes artistes.
Note globale : 9
Pierre-Jean Tribot