ELIAS de Félix Mendelssohn au TCE : d’une bouleversante vérité

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Le nom du chef d’orchestre et claveciniste Masaaki Suzuki à la tête de l’Orchestra of the Age of Enlightenment constitue, en soi, la promesse d’un moment exceptionnel ; à plus forte raison lorsque c’est l’un des chef d’œuvres de l’Oratorio romantique qui est au programme. Elias concilie en effet l’équilibre architectural, la stylisation des affects de Bach, l’ardeur radieuse de Haendel et l’esthétique d’un monde nouveau, exubérant, coloré, puissant. Mais il y a plus, ces pages créés en 1846 à Birmingham, font « entendre » à travers les siècles la voix même du jeune compositeur. L’étonnant livret (respectant scrupuleusement le texte biblique), rédigé de sa main, ne craint ni les répétitions ni une rythmique assez peu variée, ce qui suscite un climat hypnotique et laisse l’esprit s’évader loin des diversions quotidiennes. Avec le personnage du prophète Elie, l’auditeur est confronté aux tragédies fondamentales de l’existence : la mort, la haine, le désespoir, l’amour parfait. Il est alors introduit dans la contemplation à travers le regard ardent du musicien. Suzuki dirige avec une ampleur d’une précision extrême offrant une vision aussi puissante que cohérente. L’orchestre, aux cuivres parfois très sonores, s’engage sans réserve tout comme le chœur. D’une pure beauté, le Trio des Anges « Lift thine eyes » -si proche des trois génies de La Flûte enchantée- sauve (à juste titre !) Elie du désespoir.

Ce personnage central est chanté avec beaucoup de noblesse et d’humanité par le baryton Roderick Williams. Le ténor Robert Murray remplace Brenden Gunnell avec un éclat et une intensité dramatique inespérés (son air final « Then shall the righteous shine forth » mettant à rude épreuve la tenue du souffle ). Côté féminin, Carolyn Sampson (La veuve, Ange I) au timbre d’or limpide conduit ses phrasés avec une musicalité déjà remarquée dans un très joli disque de mélodies (« Fleurs ») commenté sur ce site. Sensibilité qu’elle partage avec la mezzo Anna Stéphany, vocalement un peu plus en retrait. Au fil de cette fresque épique, les chœurs ne faisant qu’un avec l’orchestre, le chef et les solistes, apportent cette dimension de contraste, de puissance et de tendresse qui donne une vie frémissante à la partition. L’opéra tant désiré par Mendelssohn -décédé avant ses 38 ans- n’aura donc jamais été profane. Mais, après le triomphe de Paulus (1838, Birmingham), Elias contribuera amplement à révéler sa formidable puissance expressive et sa bouleversante sincérité.

Bénédicte Palaux Simonnet

Paris, Théâtre des Champs- Elysées, le 8 octobre 2019

Crédits photographiques : Marco Borggreve

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