En toute intensité : Don Carlos de Giuseppe Verdi à Liège

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Allons à l’essentiel : les émotions intenses vécues, le plaisir éprouvé. Ils sont liés à la qualité et à l’engagement du plateau vocal. De belles voix au service d’une partition idéalement conçue pour qu’elles s’épanouissent et expriment les sentiments et passions qui agitent les personnages. 

Celui qui m’a le plus touché est Rodrigue, Marquis de Posa. Il est en quelque sorte l’axe du livret : ami de cet infant Don Carlos qui voit ses espérances amoureuses avec Elisabeth de Valois brisées par la décision de Philippe II, son père, d’épouser la jeune femme. Favori de ce roi qu’il doit servir et qu’il trahira par amitié ; victime enfin des terribles réquisitions et condamnations du Grand Inquisiteur. Lionel Lhote lui donne une ampleur vocale et une présence scénique remarquables. Quel bonheur de le suivre dans les joies de l’amitié, dans les affres du dilemme : le roi ou l’ami. Gregory Kunde impose tous les grands élans de Don Carlos, de l’amour partagé au traumatisme révolté face aux décisions de son père, en passant par l’exaltation de l’amitié avec Rodrigue. Bonheur aussi des voix d’Ildebrando D’Arcangelo en Philippe II, de Roberto Scandiuzzi en Grand Inquisiteur. Plénitude amoureuse, malheur, jalousie, désespoir vivent tout aussi intensément dans les voix féminines. Kate Aldrich est une Princesse Eboli successivement envahie par l’espoir amoureux, la jalousie vengeresse et le repentir. Quant à Yolanda Auyanet, après avoir incarné émois amoureux et résignation, elle a malheureusement dû, souffrante, passer le relais après l’entracte à Leah Gordon qui n’a pas manqué la chance qui s’offrait à elle. Paolo Arrivabeni « harmonise » le tout à la tête de l’Orchestre et des Chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège.

Ces chanteurs, si nous avons pu être aussi attentifs à leurs rôles et réceptifs à leur chant, c’est grâce à la mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera. Chez lui, pas de ces concepts qui obligent le spectateur à se faire décrypteur de dramaturgie et le distraient souvent de ce qui se chante. Non, il installe le récit dans son époque. Avec foisonnement de costumes (Fernand Ruiz), dans des décors habilement modulables de Gary Mc Cann. On est dans la forêt de Fontainebleau, à la Cour de Philippe II, au couvent de Saint-Just, plongés, comme le disait Shakespeare, dans un univers de « bruit et de fureur » -avec les parenthèses magnifiques de l’amitié et de l’amour, fussent-ils contrariés.

C’est ensuite, après le déferlement d’émotions, qu’on peut en revenir aux choix éditoriaux qui ont été faits : il faut se rappeler que nous disposons aujourd’hui de cinq versions de l’œuvre, l’originale étant en langue française. A Liège, on a opté pour la première version, celle des « répétitions parisiennes » (1866), la plus longue, mais sans doute aussi la plus pertinente dans le développement de son intrigue, dans quelques-uns de ses airs souvent coupés. La représentation dure plus de quatre heures, que l’on ne voit pas passer, happés que l’on est par l’enthousiasme vocal et musical.

Liège, Opéra Royal de Liège-Wallonie, le 2 février 2020

Jusqu’au 14 février – www.operadeliege.be – en streaming à partir du 14 février sur francetvinfo.fr/culture 

Crédits photographiques :  © Opéra Royal de Wallonie-Liège

Stépahe Gilbart 

 

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