Le chef d’orchestre Hermann Abendroth et les 3B (Beethoven, Brahms et Bruckner) 

par

Après avoir remis à l’honneur éditorial la figure de Hans Swarowsky, le label Profil réédite un coffret qui nous permet de renouer avec l’art du chef Hermann Abendroth. Cette boîte, centrée sur Beethoven, Brahms et Bruckner, vient dresser un panorama de ce musicien à l’art assez lapidaire, porté par rubato caractéristique des chefs du début du XXe siècle. Mais Hermann Abendroth, c’est également l’Histoire de l’Allemagne du XXe siècle avec ses petitesses et ses divisions. 

Né en 1883 à Francfort, Hermann Abendroth est le fils d’un libraire et d’une mère issue d’un milieu d’artistes. Après son diplôme de l’enseignement secondaire, il est envoyée à Munich afin d’apprendre le métier de libraire pour succéder à son père. Cependant l’attirance de la musique est trop forte et il entre au Conservatoire de Munich. Il y suit un parcours classique et il étudie le piano avec Anna Langenhan-Hirzel, la théorie de la musique avec Ludwig Thuille et la direction d’orchestre sous la férule du légendaire Felix Mottl, un disciple de Bruckner et créateur de la version orchestrale des Wesendonck Lieder de Wagner. 

Il devient en 1903, le directeur de la Société orchestrale de Munich, une formation d’amateurs. En 1905, il traverse l’Allemagne et pose ses valises à Lübeck. Jusqu’en 1911, il est Kappellmeister auprès du théâtre de cette ville. Il est ensuite désigné Generalmusikdirektor à Essen avant de se voir proposé, en 1915, un poste de chef d’orchestre à Cologne au pupitre du prestigieux Gürzenich Orchester. Sa carrière fait alors un bond en avant. Il cumule son poste de chef avec celui de Directeur du Conservatoire qu’il réforme en profondeur pour devenir la Musikhoschule de Cologne. En 1918, il est promu Directeur de la musique de Cologne et en 1922, il est devient directeur du prestigieux Niederrheinische Musikfest, l’un des grands festivals allemands. Il est également invité hors des frontières allemandes et il produit en URSS et avec l’Orchestre symphonique de Londres. Au début des années 1930, il cumule ces fonctions avec celle de Directeur de la musique à Bonn.

La montée du nazisme compromet un temps sa carrière. Forte tête et esprit libéral, il est un temps démis de ses fonctions. D’autres artistes interviennent en sa faveur et il est réintégré, et il accepte même le poste de responsable de l’éducation de la Reichsmusikkammer. En 1937, il adhère officiellement au parti nazi. En 1934, il quitte pour Leipzig où il succède à Bruno Walter renvoyé de la direction du Gewandhaus de Leipzig en raison de ses origines juives. Abendroth est Gewandhauskapellmeister et il enseigne au Conservatoire de la ville. En 1943 et 1944, il dirige les Maîtres Chanteur de Nuremberg au festival de Bayreuth, la seule oeuvre au programme de ces deux étés. 

À la Libération, les nouvelles autorités de Saxe mettent fin à ses contrats du fait de son passé nazi. Pourtant, il retrouve rapidement un poste de directeur musical à Weimar, ville certes chargée d’histoire, mais poste bien moins prestigieux que Leipzig. À Weimar, il est également Conseiller municipal et Conservateur du musée Liszt. En 1950, il siège même à la Chambre du peuple (Volkskammer) comme représentant de l‘Association culturelle de la RDA. Comme artiste éminent de l’Allemagne de l’Est, il revient à Leipzig au pupitre de l‘Orchestre radio-symphonique et il est le premier artiste allemand à retourner en URSS après la Seconde Guerre mondiale. En 1953, les autorités de la RDA le désignent à la tête de l’orchestre radio-symphonique de Berlin. Il enregistre alors pour Eterna, le label officiel de l’Allemagne communiste. Cependant, sa nouvelle notoriété laisse perplexes les Allemands de l’Ouest qui n’ont pas oublié son passé nazi. Il ne reviendra pas diriger en Allemagne de l’Ouest et ses disques n’étaient presque pas diffusés en Europe Occidentale. 

Il décède en 1956 des suites d’une attaque cardiaque et la RDA lui offre des funérailles d’état.  

Hermann Abendroth fut un chef régulièrement documenté. Jusqu’au milieu des années 1990, ses enregistrements faisaient la joie de labels plus ou moins scrupuleux comme Arlecchino, Music&Arts et Thara, mais la faillite de certains et les problèmes de diffusion des autres n’aident pas le mélomane à se faire une idée du talent de ce chef d’orchestre. Le label Eterna, racheté par le groupe Edel, commercialisa quelques galettes officielles. Depuis, les évolutions du marché de l’enregistrement rendent ces témoignages disponibles de manière aléatoire. Le label Profil en profite et offre un petit coffret bien venu qui mêle des enregistrements connus à des captations polonaises plus rares. 

On commence avec 4 symphonies de Bruckner (n°4, n°5, n°7 et n°9) captées à Leipzig et Berlin. Le Bruckner d’Abendroth est caractéristique des chefs de cette époque par une force linéaire qui se dégage de ces interprétations rapides. A la différence des lectures contemporaines de Furtwangler, la terre ne tremble pas sous une battue métaphysique, Abendroth se veut cursif et implacable. On poursuit le parcours avec Brahms et ses Symphonies n°1 et n°3, elles aussi énergiques et menées avec une puissance tellurique. Les symphonies de Beethoven s’imposent sur les quatre derniers CD. Si la “Pastorale” avec le Gewandhaus de Leipzig est fascinante par une fluidité et une grande inventivité de la direction, on est plus réservés pour les Symphonies n°3 et n°7 enregistrées en concert à Varsovie avec le Philharmonique local. Si la Symphonie n°9 enregistrée en 1950 à Berlin est un classique de l’art du chef, on n’en dira pas autant du Concerto pour violon de Beethoven capté en concert à Berlin avec un David Oïstrakh inférieur à ses autres témoignages.   

A écouter : Hermann Abendroth : The great Orchestral Works. 10 CD Profil/Edition Günter Hänssler. PH19000.

 

 

Crédits photographiques : DR

Pierre-Jean Tribot

  

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.